Le Monde , supplément TV du 02 avril 2011

FRANCOIS-JACQUESOSSANG, CINÉASTE ÉLECTROCUTÉ

UN COFFRET RÉVÉLANT L’UNIVERS SINGULIER DE L’ARTISTE FASCINÉ PAR LES FILMS DE GENRE

En 1985, à contre-courant d’un jeune cinéma français tenté par le retour au réalisme des comportements, sortait en salles L’Affaire des divisions Morituri signé Francois-Jacques Ossang, mélange noir et blanc de polar paranoïaque et de film d’anticipation dans
lequel s’affrontaient, au son d’une musique punk, trafiquants, bookmakers, gladiateurs,
policiers, magistrats, membres de sociétés secrètes.

L’Affaire des divisons Morituri faisait se rencontrerMadMaxet Chris Marker, Godard et Edgar Rice Burroughs. Poète, directeur de revue et éditeur établi à Toulouse dans les années 1970, F.-J. Ossang a fondé deux groupes, DDP (De la destruction pure) puis un autre, à la fin desannées 1970, les Messageros Killers Boys.«Il faut comprendre que c’est l’époque de l’avènement du mouvement punk. La musique est alors une autre manière de continuer la poésie.Larevueaduréjusqu’en1981, ensuite,ne sachant plus à quel démon me vouer, j’ai passé le concours de l’Institut des hautes études cinématographiques [Idhec].»

ALLIANCE DE LA POÉSIE ET DU ROCK

L’Affaire des divisions Morituri est tourné en moins de trois semaines et sort en 1985. «C’est une époque où j’étais vraiment hanté par deux modes, le film d’action et le film de propagande. J’étais également fasciné par le cinéma muet russe et allemand. » Même si d’autres influences se font sentir (la série B, le film noir), c’est dans  le cinéma muet qu’Ossang puise son inspiration. « Les écrivains comprennent souvent mieux le cinéma que les gens de cinéma. Burroughs et Julien Gracq ont écrit là-dessus des choses très intéressantes. Il y avait dans le cinéma muet une liberté cinématographique qui dérogeait
aux normes du récit littéraire, préférant parfois un récit en réseaux à un récit séquentiel classique.»
L’Affaire des divisions Morituri évoque par ailleurs la fin de la bande à Baader: «Cela correspondait à la volonté d’évacuer le speed idéologique des années 1970.» Après ce premier long-métrage suivront trois autres sur une période de temps de plus de vingt-cinq ans, Le Trésor des îles Chiennes (1990), Docteur Chance (1997) et Dharma Guns (2010).
Le tout compose une oeuvre unique, véritable ovni dans le paysage cinématographique français, un mélange singulier où la poésie visuelle s’allie à la musique rock et à des
simulacres de récits d’aventures ponctués de citations littéraires sur des images à la beauté plastique inouïe,hommage tout autant au cinéma qu’à la bande dessinée. «Je m’intéresse à un cinéma de poésie pour reprendre un terme inventé par Cocteau. D’ailleurs parmi les grands livres de cinéma qui ont fait mon apprentissage il y a les entretiens de Cocteau fait juste avant sa mort où celui-ci livre bien des secrets, La Naissance de la tragédie de Nietzsche écrit pour favoriser le coup d’Etat théâtral de Wagner et bien sûr La Non
Indifférente Nature d’Eisenstein ». Ossang, cinéaste romantique? « Le rocker punk est un
romantique électrocuté», dit-il.

Jean-François Rauger
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