Dharma Guns – Liberation

«Dharma» initiative

Par PHILIPPE AZOURY
no future . Le poète-cinéaste F.-J. Ossang signe un nouveau film post-moderne et punk.
LiberationEn ouverture, une séquence de ski nautique à toute berzingue sous fond sonore de Lard (groupuscule hardcore dans la mouvance des Dead Kennedys) fournit par brassées les clés nécessaires pour plonger tête la première dans l’esthétique de ce film hors norme : récit sur le fil du rasoir, risquant à tout moment la chute, images visant la commotion, et des corps en déséquilibre, seulement portés par la beauté immédiate d’un écrin noir et blanc presque liquide : l’underground, chez le cinéaste-poète-musicien F.-J. Ossang, est un sport (de combat, de glisse). Dharma Guns n’est pas film qui gagne à être résumé, sa forme en zigzag met au défi la linéarité du scénario.

Cold wave. En terres ossangiennnes, terres mille fois brûlées (elles nous viennent de l’expressionnisme allemand), les choses avancent autrement : par flashs, par fulgurances, dans un état d’hébétude permanent. Son héros, au sens pour ainsi dire chevaleresque du terme, est un jeune homme impavide, à l’accent russe, une sorte d’idiot dostoïevskien matiné cold-wave, censé remettre un script improbable à des commanditaires invisibles. Ce prince Mychkine ahuri est attendu dans un aéroport, quelque part dans l’archipel des Açores, par des hommes de main d’un géant de l’industrie pharmaceutique. A l’arrivée, il ne reconnaît pas les hommes qui le tutoient, ne reconnaît pas l’endroit, ne reconnaît pas la situation dans laquelle il est immergé, ni la succession qui lui échoit : il est, depuis longtemps, amnésique. Mais l’amnésie est ici un état général qui contamine tout : la façon de regarder le monde et de l’appréhender, la manière dont les séquences s’entrechoquent. Chaque scène ravale la précédente, la défait, et le film tout entier se détache progressivement du fil mémoriel qui est censé le coudre au récit. Ceux qui connaissent le travail de F.-J. Ossang seront en terrain familier : ils y retrouveront cette façon de tisser des scénarios paranoïaques, croisant parfois une science-fiction militaire, où la peur de la contamination et de l’autorité emportent des personnages de parias poétiques dans une course contre la mort. A ski nautique, en voiture, dans des chasses à l’homme, ces voyageurs sans passé ni avenir – no future – engagent leur liberté sous les feux croisés de la folie et des armes. On dit d’Ossang qu’il est LE cinéaste rock en France. Mais le rock est ici une affaire large, comprenant aussi bien la poésie de Maïakovski que les paysages industriels des Açores. En retour, sa photographie noir et blanc acérée est punk jusqu’en dessous des ongles (magnifique travail du chef op Gleb Teleshov).

Style viral. Le temps n’a pas d’emprise sur Ossang, son style postmoderne n’a pas oscillé depuis l’Affaire des divisions Morituri (1985), en passant par l’excellent Docteur Chance (featuring le Clash mort Joe Strummer) en 1997. Imperméable au changement, son style viral continue de rappeler le Lars von Trier période Epidemic, mais Ossang, on le sait, ne nous fera jamais le chantage à l’émotion. Trop lyrique pour ça.

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