II
Je ferme les yeux quelques minutes… Mes personnages apparaissent.
Enid Blyton

 

 

Suis

 

Première touche. Pas sur la neige, signes, d’une présence vouée à l’évanouissement.

Soleil cou coupé : pour de vrai.

Ce fut comme un affaissement. Boule qui traverse le paysage et renverse toutes/les/choses. Un père surpris contemple la scène, démiurge tout déculotté. Rien que le simple fait de regarder, la cause était déjà entendue : pas touche à la voûte céleste.

Miettes, fragments et reliefs. Le monde grêle, rumine, digère, vente honteusement, décousu de toutes parts. Son bonheur de se voir dévoilé est inouï. Personne n’a tenu compte de ces inscriptions gravées, n’a su apprécier la qualité de ces empattements, si délicats… Le ciel effraie, miracle de bleu ; en route vers la joie !

Suis toute petite.

Une lueur.

Ici. Oui. Vous et moi.

Nous avons marché des nuits durant, muets nomades. Reste cette maigre ficelle de lumière nous rattachant à l’être, futile, je l’avoue ; notre survivance.

Notre destination.

Voyez, la ville semble accueillante malgré cette floraison impromptue. Étendards aux motifs désuets (crânes). Boulevards, vieillards en uniforme, proprets, plats, fatigués. Visages… Épitaphes. À chacun son éden, n’est-ce-pas ? Dos au mur, la beauté bascule, se roule dans la boue, gueule ouverte, suffoque. Le propre de notre civilisation.

Traîner les malles grotesques, comiques – Ah, vous avez sorti la grand-mère aujourd’hui ? – arrachées des appartements déçus.

Le lieu est là.
La pension.

Rouges, les auréoles sont vastes devant cet asile terne. Un logis de premier choix. Barrique de lait dans l’arrière-cour, qui ne dédaignait pas qu’on trempe bouche à sa surface. Carcasses de chats, blanches au repos, dans le fond.

Vous êtes prié d’apporter votre court-circuit.

Argile, grosse, grosse masse immobile qui attend son heure pour déambuler devant la tribu, pipelette, lucide, grognant grave et rauque. Calvaire de salive sur pattes, suintante, joyeusement humide. Sa langue surgira brillamment, crème aux lèvres, se délectant du gras. Sa figure disséminera les genres, par salves répétées, tordant tous les plis. L’artifice, quittant sa grotte, accroché au silence, gémissant, yeux crevés, l’artifice s’élancera. Voilà pour la – fiction.

Et ça fera des pertes d’encre, notre aventure.

Nous montons l’escalier. Là-haut, dernier étage.

Les phrases sont courtes. Elles glissent sous vos yeux. Ça agace.

La chambre.

Sueur, essoufflés. Fenêtres crasseuses. Mastic égratigné, mité à terre. Blanc, gris, noir. Piteuse palette. Usés, moisis les draps, le lit. Sur le matelas, sous le tissu repose un mannequin de cire. Oui, c’est lui, l’architecte, à coup sûr, déguisé, taxidermié jusqu’à l’os !

Vous entendez très certainement les hurlements des bêtes à nos trousses, affamées, vociférantes, babines en berne.

Fermons la porte.

 

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