dron, la colle du houx cuit et recuit scellent mes parchemins. Je m'époumone près des torrents d'été, près des baraques de tir. Je saigne un peu quand j'imite les démons des profondeurs. Un fichu sur le crâne, je marche dans le clan des glaneuses. Je me frotte aux jupons des bouquetières, des teinturières. Papillon géant ou pierrot de satin blanc, fils du vent en pagne de crépon vert, je triomphe sur le char du corso, parmi les fleurs, les confetti, les drapeaux de papier. Je suis un ange. Je pense. Je suis un ange qui pense. Et je renifle le marbre roux des comptoirs, le foulard du chasseur, le fond de sa casquette. Je mords dans tout ce qui jute, tout ce qui poisse. À chaque seconde, j'invente un monde neuf ; c'est ça qui ébouriffe les esprits, qui défrise, qui éblouit. Je m'appelle ARTABAX, Artabax Sénior ; ou ZorroZérro, ou La-Belle-Que-Voilà, le gigolo au calepin rouge. Je parle aux néons, aux pavés, aux réverbères qui défaillent. Je soigne les chats pelés, essorillés, les clochards variqueux, les artistes


sans réclame et sans le sou, et toujours, et toujours mon chevalier trempé, glorieux, en habit de gala, dans sa baignoire. Je chante sur les cageots des foires, sur les tombes de la première. Je vocalise dans des hangars à matelots, dans des bouges mondains. Je sais faire la coquette sur l'escarpolette, la panthère qui roule-boule sous les bottes de son dompteur, Salomé sans voiles, la Teutonne en latex. Apollon ? un sabot. Hélène ? une loque. J'écris comme on s'évade, entre deux eaux, entre deux rives. Les âmes de mes héros voguent pareilles à des frégates, les muscles de mes voyous gauchissent les miroirs. J'écris le corps rompu, fendu, les miettes de peau au fond des bassines, le poil vieillard sous la langue. Je vois encore ce que l'on voit dans les fièvres nuptiales, dans les transes du dernier verre. Je distingue le bleu pâle des ardoises, le tremblement moiré du crépuscule et le fumier qui dépasse le sommet des grands cèdres, qui étouffe le coq de Notre-Dame-des-Trente -Six-Misères. Je vois le