Lucien Suel

 
 

     Les paysans ont quitté la terre pour s'embaucher dans l'industrie. Leurs enfants se sont parfois engagés dans les forces républicaines de la sécurité. Déjà certains fils de sidérurgistes envisagent de faire carrière dans la police, l'armée ou la gendarmerie...

     Le monde continue. On remballe les pancartes, on enroule les calicots et les drapeaux. On se tait. Les loisirs et la culture obligatoire donneront du supplément d'âme, d'amertume pour cautériser les blessures.

     La dignité humaine n'est plus dans la pensée. Ce sont les brutes qui règnent maintenant, triomphalement.

     On recycle la ferraille, on recycle les ferrailleurs. Le développement est durable comme l'éternité éphémère, la guerre pacifique. Seuls les lapins croient au développement durable.

     L'internationalisme prolétarien n'existe plus, mais l'internationale des actionnaires est toujours active, sans patrie, sans morale, sans scrupule.

     On est tous au service de la démocratie, du patron à l'ouvrier, du C.R.S. au politicien. On n'est pas des philanthropes.

     L'abrutissement télévisuel, la propagande médiatique, l'anesthésie politique ont émoussé la faculté de colère.

     Parfois, la colère se concentre, elle s'européanise, on franchit un cran. La démocratie s'adapte, les polices citoyennes collaborent. On s'échange des stratégies. On concentre. On rentabilise.

     On calcule... On accuse. On accuse le coup. On n'a rien vu venir. On coule.

 

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