Lucien Suel

 
 

     On peut changer les rôles, chacun son tour s'asseoir à la terrasse des cafés pour regarder passer le défilé. On paie chacun sa tournée, on fait circuler l'argent.

     Occuper la rue est une transgression éphémère. Depuis bien longtemps, même les enfants ne jouent plus sur la rue, trop de morts accidentelles. Et puis la console est un jeu intérieur. La famille aussi est minée par le marché.
     On vit une époque de barbarie réfléchie.

     L'âge du fer c'est terminé. On entre dans l'âge numérique, les décisions se prennent entre les terminaux d'ordinateur. Les chiffres déterminent le destin des hommes, de la planète.

     La rationalité à tout prix est une force dangereuse qui sape la vie.

     C'est le règne du flux tendu ! Le juste à temps ! La mondialisation de la marchandise !

     On défile avec sur le dos, sur la poitrine et sur le front les sigles des centrales ouvrières.

     Les gardiens de l'ordre forment une muraille d'acier et de plexiglas de chaque côté des chars canons à eau.

     Barrière d'acier, barrière d'usine. Les barrières ne se relèvent plus, elles glissent sur leurs rails. Bientôt, elles rouilleront.

     Peut-être transformera-t-on le site en espace de culture ou de loisirs. Les terrils sont devenus des pistes de ski.

 

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