Lucien Suel

 
 

     In croyot qcha allot toudi durer. On ne voit plus la mort venir, on la cache jusqu'à ce qu'un jour elle vous saute au cou.

     1882-2003, c'est une longue vie. Mais une aciérie électrique qu'on débranche à 32 ans, dans la force de l'âge, c'est triste à en mourir, et comparativement, guère plus long que la durée de vie d'une machine à laver.

     On croit être une sculpture fondue dans un métal inaltérable, mais on n'est qu'un tas de ferraille couvert de rouille.

     Bientôt le désert. Plus d'aciérie, plus de sidérurgistes, plus de fêtes de saint-Eloi, plus de sous-traitants, maltraités les sous-traitants, soustraits, sous-traités, pas de plan, comme on dit, social... pour eux, plus d'écoles, plus de commerces, la rue Salengro en peau de chagrin.

     Mais l'acier continue, la coulée continue, ailleurs...

     La rage au coeur on va expliquer aux techniciens et aux ouvriers belges les procédés de fabrication, on leur transfuse le savoir... une mondialisation vampirique.

     Les sidérurgistes en colère avancent vers l'Est dans les autocars affrétés par la Municipalité, sur l'autoroute de Wallonie à travers les paysages anéantis du Borinage, vers le grand-duché du Luxembourg, vers le château du Seigneur Arbed, les Princes d'Arcelor.

 

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