XVIII

Chose rare : ne pas tacher d’encre le livre où l’on copie des romans,
des recueils de poésies, ou d’autres choses analogues.
Quand c’est un beau cahier, on prend le plus grand soin pour écrire,
et cependant, il paraît toujours sali.

Sei Shônagon

 

 

Mange corps mange à toutes les gamelles avale toute la matière du dehors les chattes puantes et leurs portées poubelles pleines à poignées d’amour du lyrisme mange corps mange les distractions sur le retour sur le qui-vive sur le qui vivra verra ramonages forcenés de la colonne vertébrale pompe et déguste toute l’amicale moelle du système nerveux mange corps mange pour grandir dans ta propre estime pour les écraser tous et toutes pour leur ôter toute la lumière du fin mot de l’histoire ouvre grand la bouche c’est ton premier métier et déclare la guerre à tous les robinets mange corps mange les miches de sueur s’écoulant des pores de la sainte boîte liquide tous les fonds de plats en porcelaine ébréchée ces endroits où gisent nos intentions secrètes mange corps mange à grasses bouchées les résidus de la paille et de l’électron guette les miettes du bla-bla du manteau de balbutiements assorti à la dernière mode affichée sur toutes les ouvertures du trottoir mange corps mange les pontons goudronnés à la dérive sur les sources anéanties que tu feras rejaillir de ta bile et qui hébergeront les frêles pirogues des quartiers mange corps mange le gros dos des choses qui pullulent d’émanations rosâtres de filaments de fêtes repoussées racle tisonnier happe la graisse du brasier mange corps mange toute ton innocence de bébé à bec de gaz qui fuse vraiment trop tôt ça ne fera pas de vieux os sous la langue le découpage fera ragoût de toute bidoche mange corps mange le rythme du remugle goûte la saveur du ramassis de vieilles fripes dénichées sous le terril tes plus belles guenilles à bal mange corps mange le blanc du cadre des négociations du traité de paix des belligérants investis la moindre fiche quadrillée et fais-en ta plus attachante cabane à mange corps mange ce que tu étais avant d’être et de devenir ce que tu seras une bille de grâce lancée parmi la mêlée filante jamais lente grignote l’estomac de l’épuisement c’est sa peau qui te protégera des coups en germe mange corps mange papa mange maman mange tous les aïeuls c’est ta véritable inspiratrice l’épouvantable cervelle cosmique qui te le demande et tu lui obéiras car c’est programmé mange corps mange les limites de la connaissance par bouchées longues et épaisses comme les cuisses les plus parfaites de l’adolescente qui t’attend au bas de son immeuble prête à t’infuser sa longue science de la promenade nocturne cet événement attractif qui amène la chair des membres à se rencontrer mange corps mange les nids de taupes viles bulles grumelant toute la plage engouffre la part du lion déplume la crinière dépiaute la toison de la tapisserie de la belle moquette pour ton habitacle à cavales mange corps mange la supercherie que tu infliges aux témoins de ta croissance à l’aboutissement de ta gestation vulgaire traité de vocabulaire se dirigeant c’est certain vers un mur rose de ventre vers l’ombilic bonbon à câliner de l’extrême pointe décolorée de la langue ce sera ton meilleur souvenir mange corps mange les crânes qui te soutiennent cet amoncellement de désenchantement qui a produit le compost de la pensée la gouaille hilare pour les gencives ça rutile sous la mer blanche ça en jette mange corps mange les feuilles imprimées des fiers incunables suçote paisiblement chaque empattement l’un après l’autre aspire le conglomérat des types au parangonnage régulier et fidèle des manuels de composition typographique mange corps mange les confits de petitesse déposés sur la table du festin avec la plus louable politesse et soudainement soulève les invités d’un rot final afin qu’ils comprennent la nature exacte de l’essence qui les compose et que leur présence à ce banquet est une bien trop grande privauté qu’ils se sont accordée mange corps mange l’orange du système solaire et les huîtres pleines de planètes et les navets aux satellites accolés tous sur la pelure imbécilement amoureux des thèmes à grelots à cymbales à pipeaux et qui dansent folâtrement comme des aimants de teinte mauve mange corps mange le suspens de la chute du temps du parapet givré chute qui ne cesse qu’au contact du plancher des abysses troublant l’accomplissement des quadrilles où brillent nos aimés mollusques mange corps mange la pelouse en ébène la tarte funèbre trempée au fond des grands lacs la pile de crêpes au chignon crêpé à tous les étages la fusée de pâte saupoudrée de sucre pas très candide du sucre d’os oui râpé limé concassé à bon escient pour préserver la race disent les doigts plein de confiture plasmique mange corps mange les foules dégueulées qui démembrent les routes et balancent les nerfs guerriers aux façades des hauts bâtiments justes dont la poupe bave vermeille incontinente pourriture rude et prodigue en mucosités atomiques mange corps mange la pierre mâche le fer et distille en de fins mégots argentés l’avenir des glaciers en fonte gardés par les ours séculaires et blancs au poil nourricier et aux mamelles crassement sèches instaure la consommation sans équivoque des champignons glauques et oraculaires dont la pendaison de crémaillère fera la plus belle fureur la dernière mange corps mange le pucelage à grimace la fente nasillarde qui égrène la graine justement qui transmute puis édulcore les flocons épais de l’amour en d’arithmétiques sentences prélevées d’une corne d’abondance dont l’approvisionnement demeure soumis à cette raison dont les siècles de philosophie n’ont guère prouvé l’efficace finalité mange corps mange les tombes qui naissent des bombes aux éclairs blonds méchants et épicés les puits de l’achèvement qui s’annonce très salace en résurgences germinales en visions syncopées de caoutchouc mange corps mange la mie puis les croûtons plongés au fond des canaris où repose une sauce abracadabrantesque bouche bée béante et blanche emprisonnant la coulée gluante de petites lamelles lombricoïdes dont chaque extrémité est une tête qui chuchote pour mieux se faire entendre mange corps mange les cratères aux mâchoires scintillantes qui fusillent les nuées noires les transistors dorés que nous allumerons tout à l’heure assis sur nos planches à voile nettoyant la pellicule du champ d’action l’air surexposée à coup mange corps mange les sentiments les sentiments continus reproduits distribués recouverts de papier sulfurisé comme au supermarché oui mamie des briques de 250 g pasteurisées on ira les stocker au frigo tout à l’heure c’est ton babu qui te le promet mange corps mange les mercenaires poilus de détritus bardés de sachets en poudre et d’ordinaire c’est la poudre qui est la poudre et non le sachet ce qui n’enlève rien à la qualité dogmatique de ces agents doubles mange corps mange le berceau imaginaire omniprésent et omniscient toujours à la recherche infatigable de la vérité coulant sous la forme de larges gouttes visqueuses des immondes muqueuses reproductrices s’évaporant avant de toucher la masse unie et impénétrable du sol baigné d’intestins fluorescents aux rayons voisés de lumière aux myriades de pépiements bloqués par le temps vieille suite ininterrompue d’intervalles badigeonnés par le condiment de la relativité mange corps mange les passeports les cartes d’identité les plus pauvres des procès verbaux déchirés enfouis très loin sous le nid usé de l’aigle qui vient y déposer sa saleté la plus sale sous un ciel tout excrémentiel mange corps mange les débris du Nouveau Monde osselets lugubres jetés pêle-mêle derrière le rideau de la pluie ce passage obligé vers l’autre état le meimei ataraxique on ne sent plus l’odeur quel soulagement des figurines bandes horizontales de pavillons calcinés par des flammes d’une surface de soixante à cent mètres carrés langues foudroyantes d’incendie salpêtre et soufre respiration parsemée en cubes de viande si crue qu’on croirait en la touchant caresser la soie d’une mouche mange corps mange les illusions nettoyées pour une énième reconquête du territoire mères-putains dévouées à être dominées pour semer racines et gerces elles sont comme ça c’est tout la colle vient fleuve spongieux de l’autorité et rassemble abeilles et apiculteurs pour les réconcilier mange corps mange les accessoires garnitures coiffes bonnets cornettes mouchoirs de cols et autres fichus apanage du veuvage à perpétuité une fois qu’on eût recousu l’ouverture des cuisses après le constat d’échec mange corps mange les ordres qui craquent et délimitent les rivalités rebelles aiguisent les lames émoussées réveillent les jets de salive et de pierres aux visages tantôt embrassés tantôt mordus d’épines louvoyantes polies sous l’ongle long ongle crissant hissé sainement à hauteur de larme irritant la compagnie des cils et des saillies oh que c’est beau que c’est poétique oui c’est une métaphore du cercueil mange corps mange les insectes au vol vertical qui pulvérulent des ailes si on les trempe dans l’huile bue et déglutie trop anciennes larves coupées et limées hiératiques prothèses dentaires en marche vers la commémoration mange corps mange les fiancées aux épaules et aux seins criblés d’impacts microscopiques ouverts vers l’intérieur un œil viendra y prélever l’arôme lubrificatrice des préliminaires langue contre ligaments aspirateur grande puissance qui nettoie les champs et les ruines ramasse les plastiques éparpillés les chemises tâchées absorbe le putréfié superflu le tuyau gobe gros entre les raies mange corps mange la soupe des phénomènes d’assèchement prématuré les hululantes plaintes des marécages l’attestent nous sommes foutus il va falloir privatiser oui plus d’autre solution d’ailleurs le sort du crocodile n’est guère enviable il va devoir céder ses pleurs au plus offrant pour se tenir hors de l’eau mange corps mange les difficultés qu’éprouvent les sociétés modernes à sanctionner les crapuleries liquidations et atteintes aux genres ou plutôt aux lois régissant le plan des genres on chipote face au menu alors qu’on lorgne ostensiblement sur les plats à la carte mange corps mange les prétentions perpétuant les carrières de marbre aux sillons âpres et éraillés mélopant à bouche-que-veux-tu des partitions en fragments heurtées d’à-peu-près le cou du sac est cuit et la vapeur fait plier toutes les arrière-gardes bottes et tibias compris mange corps mange les labours noircis à la suie de pin les gestes susurrés du poignet les appauvrissements du mouvement grippé entre les chemins chevauchés des défaites mange corps mange tous les mots que tu n’as pas cerné bercé apprivoisé les mots qui n’auraient porté qu’un masque surnuméraire un masque d’affrontement terreur ou pitié mange corps mange les séquelles d’un texte malade de n’être que l’ectoplasme de lui-même état parmi trop d’états choix où l’excès se fonde sur l’absence le non-écrit les trous noirs qui ne sont pas les ratures les brouillons les déchets masse tue masse cachée masse impossiblement vraie mange corps mange l’irrégularité du débit de ta propre construction élit les préliminaires au rang des artifices de réconciliation flanque tes rires en grappes obèses ne ménage pas ton plaisir tu dois le faire jouir à son terme ce mécanisme mange corps mange ça a à la fin l’air tu es las de rimer ce monde ancien mange corps mange les césures lapidaires et ataviques de ton corps et surgit céans sur la scène : en marche !

 

 

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