Michel Lecamp

 LA VIE DE MOLLY R.

 

 

Michel Lecamp
Paru dans Mrôrch, 25 octobre 1996.

 

 

   

LA MISE EN TROPES DE MOLLY R.

1.

Les femmes comme les poissons, sont toutes ouies.

( S. et les vieillards.)

La main passe où s’éteignent les bougies.

« des oeufs battus dans du marsala
comme les filles Andalouses »

pour durcir les pointes sous leurs gencives sans dents.

 

2

Sous la table :

leurs mains !

3

qui fouinent à la fourrure, au vif, à la tabula rasée
Au dessus : la nappe, ils chantent, ils rient.

Alors on la prie de s’effeuiller.

(...) livrée à d’obscènes et vieux marchands, elle se donne sous mes yeux aiguisés (...).
Un des vieillards : On met les pouces !

4

Les hommes ne savent que rincer l’oeil.

Le Bal (aux îles Caraïbes).

( On lui a suggeré d’y venir déculottée.)

La Musique : « Caravelles cinglant vers le Nouveau Monde
Cervelles saignantes, inondées à nouveau. »

5

Dans la salle de danse.

La salive des galants s'applique à ses lèvres,
Ils vident leurs verres sur sa gorge déployée

Elle : Ouvrez les bouteilles !
Les Hommes ( faisant péter les bouchons ) : Poissons sa robe et ses soies !

La chasse est ouverte ! ( saoulée par des mains avides la voila qui s’ouvre et tous s’engouffrent dans sa bouche d’ombre et de lumière )

...déjà le goulot force l’ourlet des lèvres.

 

6

En clignant de l’oeil, ils pensent et se disent à l'oreille :
« Un joli petit lot, une aubaine, un animal charmant. »

 

7

Plus tard. Sur la jetée .

Elle : Qui s’embarque, adhère au voyage et à l’un des sens.
Le Gros Noir ( soulevant ses jupes, puis le ventre collé à ses fesses ) : As-tu connu, fillette, des cadences plus vives ?
(Il lui emplit la bouche de ses gros doigts afin qu’elle ne puisse lui répondre.)

Le Second Noir ( les surprenant ) : Honoré ! Laisse-moi les bas morceaux !

Ils s’affrontent.

8

Le Gros Noir : Plutôt que de nous quereller, partageons nous le butin.

Elle se souvient.
« S’il s’agit de telles fantaisies alors oui j’avouerai ce qu’on voudra si c’est ce qui l’excite je lui dirai moi sa femme je suis comptée au rang des putains et jusque dans son lit encore voilà la preuve les cartes de France sur le tissu et pas avec un seul non 3 ou 4 au moins sont venus me bourrer comme il dit et même certains m’ont payé trois fois rien tout le plaisir était pour moi »

9

En pâture.

Une série — chérie —
saurais-tu y consentir ?

Elle ploie et se tord sous les multiples assauts d’hommes qui, dominés, pâlissent et, finis, expirent. Ils toussent, sentent l’hymen.

Certains chantent la « Comptine en Noir ».

10

Elle coule et des oiseaux chantent
« Comme ils s’appliquent » dit-elle, innocemment.

Des fleurs, œillets, oignons, poussent vers le ciel ou s’entr’ouvrent au soleil.
Lisse, mauve et doux, écrit Proust à Parme .

11

L’étoffe souillée du jus des galants,
elle sent la poule et la coquille fendue.
À l’ombre de l’objet,
Dupe et jouet,
elle dit :

Oui Cent Fois Oui

12.

( Griffonné au dos d’une photographie obscène. )

J’ai pris ce sale cliché d’(....) afin de me mieux clore la bouche et d’y ajuster mon regard de sorte que, désormais, lui seul scelle ma joie.

Ce sont ses méticuleuses reconstitutions qui parviennent — et bien imparfaitement — à me faire toucher, dans les affres de son dispositif, la féérie propre à une traversée du fantasme. Piètre odyssée ...
Tout ce qu'il reste de Molière, à part l’équivoque de la fausse route, ce sont les saignées, les trous et les ratures. La pièce et son envers, accouplements et luxures, d’elle ne subsistent que d’absconces scènes niées.

À suivre...