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pointj.gif (73 octets) JOURNAL MALADE
  

 

 

 

Charles Bösersach

JOURNAL MALADE

 
 

Semaine du 14 au 20 mai 2001.

 
 

   

 L 14 mai

J’aime la voir corriger ses copies harnachée comme pour la parade : bustier serré, collier, et cet ingénieux appareil en acier qui maintient la bouche grande ouverte : elle bave, cela coule sur sa gorge, sur son ventre, et jusqu’à son sexe où souvent, à cette occasion, se logent d’assez grosses boules de geisha.
— J’ai du mal à me concentrer, avoue-t-elle, le souffle court, lorsque je la délivre de ses instruments.
— En tout cas tu prends ton temps.

J’aimerais la photographier comme ça ; elle ne veut pas. Notre vie est un savant compromis entre ce qu’elle désire, refuse et ce que j’imagine qu’elle désire ou feint de refuser…

 15 mai

Ici, disais-je : bruit des pneus sur le gravier du parking, bruits de vaisselle non loin, tourterelles. Queue douloureuse : trop de baise et dents de J.
J., elle, ne se plaint pas. (Ce n’est pas goût de la trivialité ni volonté de choquer (qui ?) — non, simple rapport des faits).

 mercredi

Bord de mer, nous explorons la côte. Rochers déchiquetés, végétation tourmentée. Inattendue, une ouverture, une construction en ciment qui a dû servir à ranger un bateau, jadis : on dirait une cage, une prison (la porte entrouverte est faite de lourds barreaux en fer, rouillés). Sale, sombre, humide. C’est habité : accrochés à l’un des murs, de nombreux sacs en plastique, quelques vêtements crasseux en témoignent. Et sur le mur d’en face : une dizaine de photos de femmes, tirées de magazines de mode ou de charme. Le papier est mouillé, les couleurs passées. L’impression est étrange, inquiétante même. Nous ne nous attardons pas (même si l’idée de J. livrée à une bande de clochards ou de « marginaux »…).

 J.17

Une bouche de femme. Une bouche de femme enserrant une (verge ? bite ? queue ?). Enserrant une grosse verge. Enserrant avec peine une très grosse verge. Une — bouche de femme pleine de sperme. Pleine de foutre. Quelle est la meilleure phrase ? J’aime bien sperme. Foutre fait plus relâché, vieillot, littératurisant. Une — bouche de femme d’où déborde le sperme, lèvres maculées, menton gluant. Bien sûr elle est heureuse, satisfaite. Bien sûr évidemment.

Les doigts enfoncés dans le sable : les imaginer pénétrant dans la chair abîmée d’un cadavre. D’un cadavre de femme.

 V.18

Un peu à l’écart de la ville (quelques jours de « vacances » avec J.). Bruits, environnement différents (mais il m’en faut si peu). J’ai été assez fier de baiser longuement — jusqu’à ce qu’elle demande grâce — sans jouir. Mais J. semblait inquiète, coupable. Le lendemain matin : elle me suce pendant que je me branle. Délicieux.

Nous n’avons pas nos jouets, il faut improviser. Une corde fait notre affaire. Avec une corde on peut fouetter, attacher, étrangler. Je ne suis pas très bricoleur mais j’ai acquis à ces exercices une habileté qui m’étonne moi-même.

(Je reste dubitatif quant à cette pratique du « bondage » qui consiste à ligoter les femmes de telle sorte qu’elles en deviennent impénétrables).

Il faut savoir rester simple. Si, comme J., la partenaire aime la contrainte, c’est souvent vers un simulacre de viol que les jeux mèneront. Yeux bandés, mains attachées dans le dos, chevilles attachées aux pieds du lit : ouverte, offerte, vulnérable à défaut d’être explicitement consentante. Si elle est sur le dos, on peut profiter de la poitrine et de la bouche et notamment, puisque J. est plaisamment dotée, se branler entre ses seins, venir effleurer ses lèvres (tête redressée par deux oreillers) et jouir comme cela, sur son visage, sans même lui avoir accordé ce plaisir : abuser d’elle vraiment.
Sur le ventre on encule volontiers (c’est comme naturel). On peut également, passant les mains sous le corps de la partenaire la branler et lui (serrer, presser, pincer, malaxer, meurtrir) les seins.
Enfin, j’ai grand plaisir à jouir sur ses fesses et son dos, qu’elle a fort gracieux, à contempler le sperme qui coule sur ses reins, l’y étaler avec les doigts… Afin qu’elle ne s’ennuie pas, je la branle selon sa préférence : un doigt (parfois le pouce) dans le cul, deux ou trois (ou quatre) doigts dans le sexe. Mon autre main est sur sa bouche : elle me suce les doigts comme si sa vie ne dépendait. Lorsque J. me lèche les doigts ou le cou, cela m’excite presque autant qu’une fellation. Qu’elle me lèche l’oreille, salement (salive, voracité) tout en me masturbant (tandis que je pétris fesses ou seins) : plaisir rapide, vif, exténuant.
J. aime bien faire plaisir.
L’écriture bousculant chaque fois le souvenir, la tension (désir), la jouissance vers — le cliché.

 samedi

L’ai surprise en train de se mordre l’avant-bras, yeux fermés, absente.

Sexe, anus — entre les deux ce pont de chair abrupt, étrange. Elle est lisse, irrémédiablement.

Elle dit « je n’aime pas tellement le goût du sperme ». Elle conclut avec une grimace presque cocasse : « et c’est ça qui me trouble ».

 dimanche 20 (mai)

Ce que nous nommons chasteté, nous le connaissons tous, même au cœur de la pire débauche. Cela correspond à l’impossibilité d’atteindre ce que nous croyons désirer. Renoncer : être, simplement, réaliste.

J. s’était endormi, nue (sauf le collier), sur le grand fauteuil, main droite pudiquement posée sur le pubis. Il faisait un peu froid, je ne la couvrai pas. Je baissai la lumière puis — me lavai les dents et allai me coucher.

            

 

Charles Bösersach

Charles Bösersach  
    

  
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