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Anton Shield
Les photos

III

il la mène à la décharge, à l’entrée du pays. Il sait qu’à cette heure personne n’y vient jamais. Il n’est pas rasé ce matin, lorsqu’il sourit ou lorsqu’il parle ses dents jaunies dévoilent leurs caries. Il fait méchant comme ça.
     Elle est toute en blanc, ses gencives ont la couleur vive de son intimité.
Ils avancent dans le sentier, descendent entre les tas d’ordures jusqu’au fond du trou, là où l’on trouve des carcasses de voitures, des frigos défoncés, des monceaux de vêtements pourris, puants, des choses gluantes qu’on peine à identifier.
     Quand ils sont parvenus au terme de leur périple, le vieux se penche et enfonce ses mains dans le sol boueux et en retire un peu de matière où pendent des fils, des filaments peut-être végétaux. Il pose ses mains sales sur le visage de la petite, y dessine des traits comme pour jouer aux Indiens puis s’en prend à ses cuisses. Elle sent cette odeur de cendre autour d’elle, sur ses joues, ce mélange de suie et d’immondices.

     Lui, les mains pleines de terre, fouille son sexe comme s’il recelait un trésor. Il va et vient sans ménagement, négligeant le satin de sa peau et les griffures sales qu’il y fait.
     Elle vacille, il la (pousse) d’une méchante pression sur les reins et elle s’écroule, les genoux et les mains souillés par les ordures. Il rit un peu, la montre du doigt tandis qu’elle tente de se relever. Sa robe s’est déchirée.

     « Tu as déchiré ta robe radasse. »
     Comme elle pousse sur ses jambes il la maintient au sol et lui ordonne de rester accroupie. Il la trousse d’une main, remarque une tache de tourbe sur ses fesses, macule son derrière de la terre qu’il trouve, parfois couverte de moisissures, de papier brûlé, d’excrément.
     Elle est muette, attentive, elle renifle l’air comme un chat, cherche à deviner la suite sans rien lui demander.
     Il exige qu’elle pousse tandis qu’il la fouille au cul et assiste —écarquillé— au mélange des matières (ses yeux sont des coquilles d’œufs un peu jaunis, ses pupilles s’opacifient comme celles des chiens très vieux)
     Ne pouvant soutenir le spectacle sans faillir (ça vient —dit-elle)
il poisse ses culottes aussitôt
et sent ses poils s’agglutiner au tissu
il pense aux agrumes à cause des assonances

elle n’ose dire tout haut le mot « grumeau » ni d’autres moins futiles.
     Puis il remonte le slip souillé, encore gros d’ocres mêlés
     lui offre sa main crottée afin qu’elle se hisse sur ses jambes.
     Ils gravissent ensemble la tranchée d’ordures en glissant sur les écoulements torves, les traînées des limaces, les fruits talés et manquent par deux fois de s’y affaisser.

     Ils sentent mauvais, se tiennent la main comme à l’école
     & gardent un sourire stupide sur les lèvres.
     « Demain, dit-il, je te cueillerai des groseilles. »

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