Une non-thèse qui cache bien mal une vraie thèse :
un plaidoyer pro-astrologique

par
Jean Audouze, Astrophysicien, Directeur du Palais de la découverte
Henri Broch, Physicien, Professeur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis
Jean-Paul Krivine, Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences.
Jean-Claude Pecker, Astrophysicien, Professeur honoraire au Collège de France,
membre de l’Institut
Denis Savoie, Historien des sciences, Palais de la Découverte

n des thèmes récurrents de la thèse est d’affirmer que l’astrologie est scientifique et vérifiée. Une annexe entière est même consacrée aux "preuves irréfutables" en faveur de l’influence des astres. L’abandon du terrain sociologique au profit d’un plaidoyer pro-astrologique est en fait ouvertement revendiqué : "Si à première vue on peut émettre un doute quant à l’opportunité d’élargir notre sujet sur ce thème, on en admet très vite l’utilité, dès lors que la situation épistémologique de l’ars regia est profondément solidaire de sa cohérence interne, voire de sa relative scientificité" (p. 93). Le "rejet", l’un des deux termes de l’ambivalence annoncée dans le titre de la thèse, est même expliqué par la confusion qui existerait entre l’astrologie, déclarée scientifique, et les pratiques divinatoires, non-scientifiques. "Comme nous avons l’intention de faire état du syndrome du rejet - ainsi que de son étiologie, en quelques sortes - ; un rejet lié essentiellement à la confusion et à l’amalgame fait autour de pratiques telles que la voyance, tarots et autres…" (introduction, p. XV). Reste donc, comme "preuve sociologique" à établir que l’astrologie est scientifique, ce que la thèse prétend faire : "Dans le mesure du possible, nous nous soumettrons à l’adhésion de la preuve, ce qui nécessitera une interprétation à la fois causale et explicative, en adéquation avec les exigences wébériennes." (p. 79). Les toutes dernières lignes du deuxième volume sont édifiantes et résument finalement bien l’objectif, de la thèse, la vraie thèse qui se cache derrière une façade sociologique : "La science officielle va-t-elle finir par rendre hommage à la vérité expérimentale, reconnaître les faits ? En tout cas, la victoire paraît éclatante pour l’Astrologie, car les faits sont les faits ; ils ont l’insolence de l’évidence". (page XL de l’annexe).

Les astronomes et les astrophysiciens sont, de façon générale, opposés aux principes mêmes de l’astrologie, qui s’appuie sur une astronomie du XVIe siècle et ignore la masse de savoir accumulée depuis lors. Les distances des astres, inconnues à l’époque sont trop considérables pour qu’ils puissent exercer les influences que les astrologues leur prêtent. Les interactions entre les astres et les terriens passent par l’intermédiaire de forces connues et la physique les a cataloguées. Des interactions éventuellement inconnues devraient néanmoins dépendre de la distance, aucune action ne pouvant être plus rapide que la vitesse de la lumière, 300.000 km/s, ce selon Einstein, auteur fréquemment cité (et mal cité) par Madame Teissier. Ces arguments ont été résumés, et publiés, par l’un d’entre nous comme suit (Jean-Claude Pecker, « Cinq réponses à un amateur d’astrologie », Science et pseudo-sciences n° 206) :

On nous offre régulièrement des horoscopes... Pierre est Taureau, Paul est Scorpion... Cela indiquerait des traits de caractère de l'un ou de l'autre. Cela orienterait même son avenir... Or, qu'est-ce que cela veut dire: «Pierre est Taureau» ? Cela veut dire que quand Pierre est né, le Soleil, qui parcourt le ciel constellé en une année, se trouvait dans la région du ciel qu'occupe le signe du Taureau. Le caractère de Pierre, selon l'horoscope, est calqué sur ceux qu'on prête à l'imaginaire mythique brodé autour de l'image de la constellation astronomique du Taureau... Or le Taureau, constellation, était dans le signe du Taureau il y a deux mille ans il n'y est plus maintenant... Maintenant c'est le Bélier qui s'y trouve ! Cet horoscope simpliste est donc une mystification. Que valent les horoscopes dans de telles conditions ? Rien !

  • Les astrologues les plus savants en astronomie tiennent compte du glissement des constellations par rapport aux signes du Zodiaque, un glissement qui se continue, depuis 2000 ans que l'on a défini l'astrologie sous sa forme actuelle. Mais tiennent-ils compte de ce qu'il y a TREIZE, et non DOUZE, constellations traversées par le Soleil en un an ? La treizième, entre Scorpion et Sagittaire, c'est Ophiucus, le Serpentaire... Savent-ils, ces savants astrologues, que le Soleil reste près de deux mois dans la constellation de la Vierge, à peine 10 jours dans celle du Scorpion, et le reste à l'avenant ? Que veulent donc dire ces horoscopes qui classent les gens en tranches d'un mois, chaque mois en trois décans ? Rien... Encore une mystification ! L'horoscope, même celui qui tient compte du glissement des constellations, n'a aucun sens.

  • L'astrologie suppose une action des astres sur les hommes. Ceci était raisonnable au moyen âge, quand on croyait que les étoiles étaient des lampes fixées sur une voûte cristalline mobile. La hauteur de cette voûte était assez faible pour qu'on pût loger les dieux au delà. Aujourd'hui, on sait que les distances sont considérables. La lumière parcourt, en une seconde, 300.000 km, le Soleil est à 150 millions de km de nous, -huit minutes de lumière ! Les plus proches des étoiles sont à des années de lumière, 10 000 100 000 fois plus loin que le Soleil et les planètes. Le ciel constellé, loin de nous, est aussi profond. Les constellations ne sont qu'apparences, effets de perspective. Deux étoiles du Taureau, par exemple, sont à des distances de nous très différentes bien qu'elles apparaissent proches sur le ciel. Les dessins qui ont donné leur nom aux constellations sont artificiels. Vues d'un autre point de l'Univers, aucune de ces représentations pittoresques ne se maintiendrait... Par ailleurs, les Chinois donnent d'autres noms aux constellations. Le destin des Chinois obéirait-il aux astres d'une façon différente du nôtre ?

  • On justifie souvent l'astrologie en invoquant les correspondances mystérieuses entre les signes du Zodiaque et les parties du corps humain... Le cœur serait gouverné par le Lion, le sexe par le Scorpion, les pieds par les Poissons... La médecine du moyen âge a largement utilisé (à tort !) ces correspondances, - et elle ne soignait pas grand-chose. Cela avait un sens il y a mille ans. Ciel et Terre étaient complémentaires, mais essentiellement différents: le monde des hommes est périssable, fragile; il est dominé par le monde du ciel, éternel et puissant... Ce genre d'idées ne tient plus dés lors que nous savons que la nature physico-chimique des astres est la même que celle des êtres vivants: hydrogène, oxygène, carbone..., tout cela constitue la matière des étoiles, celle du Soleil celle des hommes. Il n'y a pas de correspondance ou d'analogie mystérieuse. L'unité de la nature est profonde, réelle et non fantastique. Et cela élimine ces analogies sans signification, sous-jacentes pourtant à toute astrologie...

  • Les planètes jouent dans l'astrologie qui se dit « savante » un grand rôle... Mais quelles planètes ? Quand l'astrologie s'est codifiée... il y a plus de deux mille ans, on connaissait 5 planètes, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne... Uranus, Neptune ou Pluton n'avaient donc pas d'influence avant leur découverte récente ? Aujourd'hui, on connaît autour du Soleil 8 grosses planètes, des milliers de petites, quelques satellites de même nature et de même taille que Mercure ou Vénus, et beaucoup de plus petits. Il y a dans le ciel des milliards de soleils comparables au nôtre, des milliards de planètes comparables aux nôtres... Et pensez que Mars, par exemple, est à une distance de nous qui varie d'un facteur 5 d'une année à l'autre ! Toutes ces planètes, à toutes ces distances de nous, ont-elles une influence ? Pourquoi pas, si l'on croit à l'influence de certaines d'entre elles ? La vérité est que l'astrologie planétaire n'a pas plus de valeur que l'astrologie zodiacale et qu'elles ne sont que de la poudre aux yeux...

Ces arguments sont clairs, à notre point de vue. L’auteur de la thèse y répond-elle elle-même ? A l’évidence, non. La lecture détaillée des 1000 pages confirme cette opinion.

ASTROLOGIE ET ASTRONOMIE

Seuls les astrologues sont déclarés habilités à juger l’astrologie…

"L’astrologie se fonde donc sur l’astronomie, c’est à dire sur une science exacte. Elle s’en démarque par l’interprétation" (p. 98). Mais paradoxalement, les astronomes ne seraient pas compétents pour juger de ces "fondements" : "En quoi un astrophysicien, préoccupé de l’aspect matériel et mesurable des éléments du ciel et en rien familiarisé avec l’astrologie dont le propos est d’étudier l’impact des corps célestes sur la Terre et ses habitants, serait-il habilité à émettre un tel jugement négatif ?" (p. 731). Elizabeth Teissier va même plus loin, exigeant des contradicteurs qu’ils se fassent établir et analyser leur thème avant de prétendre pouvoir parler en connaissance de cause de l’astrologie (p. 757). Bref, seuls les astrologues pourraient juger de l’astrologie… qui pourtant prétend se fonder sur l’astronomie. L’astronomie est appelée en appui à la thèse défendue, mais les astronomes seraient disqualifiés pour juger du sérieux du recours à l’astronomie…

À la recherche d’influx mystérieux

A plusieurs reprise dans la thèse il est question d’une sorte de force à la base de l’astrologie. De mystérieux "influx planétaires" (page 112 par exemple) sont évoqués. Mais impossible de chercher à les mettre en évidence : "Quoiqu’il en soit, les défenseurs de la conception influentielle de l’astrologie pensent que la science officielle, ayant négligé jusqu’ici de se pencher, pour des raisons à la fois épistémologiques et sociologiques, sur la problématique soulevée par cette discipline, n’aurait donc pu, de ce fait, concevoir des instruments assez subtils, assez sophistiqués pour mesurer l’influx astral." (p. 765). Bref, on affirme à la fois l’existence d’un phénomène et on explique qu’aucune expérience ne peut le mettre en évidence. A ce titre, on peut affirmer tout et n’importe quoi sans grand danger d’être contredit.

La précession des équinoxes

La précession des équinoxes, phénomène astronomique déjà connu des Grecs est un des arguments souvent invoqué par les astronomes pour illustrer l’astronomie simpliste utilisée par les astrologues. Ce phénomène astronomique est dû à une sorte de mouvement de toupie de l’axe de rotation de la Terre. La conséquence est que, "signes" du zodiaque et "constellations" ne coïncident plus.

Notons que la coïncidence est toute relative, mise dans sa réalité historique. Pendant des siècles, chaque carte céleste était différente ; les limites des constellations surtout étaient très variables d'un auteur à l'autre. Aussi au début du siècle, le besoin s'est fait sentir chez les astronomes de mettre de l'ordre dans le ciel. En 1930 est paru à Cambridge l'ouvrage officiel fixant les limites des constellations, en respectant l'héritage historique et certaines habitudes ("Délimitation scientifique des constellations", par l'astronome belge Delporte). Le ciel boréal et austral fut donc découpé en 88 constellations par des arcs de méridiens et des cercles de déclinaisons ou de parallèles célestes. Le zodiaque lui-même subit des modifications et fut découpé en 13 constellations, la treizième constellation, connue depuis des siècles et ignorée des astrologues est celle d'Ophiucus, située entre le Scorpion et le Sagittaire. L'aspect irrégulier des constellations a des conséquences sur le temps que met le Soleil à les traverser. Traditionnellement, chaque signe zodiacal est censé être traversé par le Soleil pendant un mois. Or dans le nouveau système, le temps de parcours est totalement différent. Pour preuve, on donne ci-dessous les dates d'entrée du Soleil dans les 13 constellations zodiacales valables pour la fin du vingtième siècle (calcul D. Savoie) :

Entrée dans les Poissons : 12 mars
Entrée dans le Bélier : 19 avril
Entrée dans le Taureau : 14 mai
Entrée dans les Gémeaux : 21 juin
Entrée dans le Cancer : 20 juillet
Entrée dans le Lion : 10 août
Entrée dans la Vierge : 16 septembre
Entrée dans la Balance : 31 octobre
Entrée dans le Scorpion : 23 novembre
Entrée dans Ophiucus : 29 novembre
Entrée dans le Sagittaire : 18 décembre
Entrée dans le Capricorne : 19 janvier
Entrée dans le Verseau : 16 février

On remarque par exemple que le Soleil ne reste cette année que 6 jours dans la constellation du Scorpion, et un mois et demi dans la constellation de la Vierge ! Par ailleurs, la durée de passage de chaque planète dans chaque constellation est différente de celle du Soleil, en raison des délimitations conventionnelles des constellations, et des déclinaisons des planètes.

Il est facile de constater de plus que quelqu'un né un 1er mai n'est pas Taureau mais Bélier.

Elizabeth Teissier écarte l’objection de la précession des équinoxes en précisant qu’elle adopte ce qu’on appelle l’astrologie des saisons ou "astrologie tropique" : "utilisant un zodiaque qui prend pour repère spatio-temporel le point gamma lui-même (qui correspond au printemps), c'est-à-dire un zodiaque des saisons, ce mouvement précessionnel n'intervient pas dans leur calculs. Néanmoins il faut dire que la confusion est grande sur cette question…" (p. 110). Et la confusion est plus que générale dans la thèse elle même. On y parle d’un "point vernal qui quitte les Poissons pour entrer dans le signe du Verseau" (p. 110). Comment le point vernal (ou point gamma) qui sert de repère spatio-temporel pour le zodiaque pris en compte par Elizabeth Teissier peut-il... se déplacer sur ce même zodiaque "pour entrer dans le signe du Verseau" ? Même confusion en page 19 : "le point vernal met 2176 années pour traverser (à reculons) un signe de 30°…", ou encore dans le glossaire en fin du 2e volume : "Point vernal: intersection du cercle de l'écliptique avec l'équateur céleste = 0° du Bélier, début du printemps. Ce point appelé aussi point gamma recule légèrement de 72'' par an (un signe de 30° en 2176 ans) sur le zodiaque; c'est la précession des équinoxes.". La confusion entre les signes et les constellations est totale, prouvant que le phénomène de précession des équinoxes n’est pas compris, et plus généralement, les bases de l’astronomie. Ajoutons que le mouvement de précession des équinoxes n’est pas de 72'' par an, mais de 50'',291 (source : Bureau des longitudes, Institut de Mecanique Celeste). Bien d’autres erreurs ou confusions pourraient être relevées. On se rapportera par exemple à l’analyse détaillée faite par l’un d’entre nous (HB) sur le site http://www.unice.fr/zetetique/articles/index.html.

Le Bélier américain vaut-il un Taureau européen ?

Oublions juste un instant les mélanges de Madame Teissier. Il existe des astrologues, en particulier aux USA, qui prennent en compte d’une autre façon la précession des équinoxes (et là, le point vernal se déplace par rapport à ces signes). Madame Teissier souligne le grand sérieux de ces écoles. Une question se pose alors, qui n’est nulle part évoquée dans la thèse : une même personne sera, par exemple Taureau pour l’astrologie d’Elizabeth Teissier, et Bélier pour l’astrologie américaine. Les interprétations sont elles les mêmes ? Si non, qui a raison ? Si oui, où est la symbolique universelle associée aux signes ?

LES THÈMES ET LEURS INTERPRÉTATIONS

Pour cette partie, ce n’est plus l’astronome qui a quelque chose à dire, mais le scientifique au sens le plus général du terme. De quels faits parle-t-on ? Quelles vérifications ont été faites ?

En guise de "preuves irréfutables", on ne trouve presque exclusivement que des affirmations du genre "il est prouvé que", "les scientifiques admettent que", "on sait que". Dans une annexe de 40 pages consacrée à ce sujet, on ne dénombre en tout et pour tout que 3 références (plus ou moins précises) auxquelles le lecteur peut se reporter : Lyall Watson, Histoire naturelle du surnaturel, Albin Michel, 1974, K.A. Roberts, Radio-Emission from the planets, 1963 et L’astrologie, M. Gauquelin et J Sadoul, Bibliothèque de l’irrationnel. C’est bien peu, à l’appui de « preuves irréfutables », surtout pour une thèse de doctorat. Sur chacun des sujets évoqués, les références se comptent pourtant par dizaines pour quiconque se donne la peine de rechercher, et tout ce qui va à l’encontre des motivations d’Elizabeth Teissier est systématiquement omis. Par exemple, si l’on ne considère que l’influence de la Lune sur les maladies psychiques (page XVI de l’annexe), là où Madame Teissier ne mentionne aucune référence d’expérience, aucune référence d’article (juste " Les commissariats connaissent bien cette recrudescence (…) en fonction des phases lunaires, des actes criminels"). Nous mettons à disposition des lecteurs qui le demandent, pas moins de 32 références sur ce seul sujet. Et toutes ces références vont à l’exact opposé de la conclusion tirée par Elizabeth Teissier…

Les statistiques de Gauquelin

Les "statistiques" de Gauquelin occupent une place de choix. Elles sont largement utilisées tout au long de la thèse et sont présentées comme l’expérience la plus importante et la plus probante en faveur de l’astrologie. Là encore, alors qu’il existe une bibliographie importante, Elizabeth Teissier ne fait référence qu’aux affirmations de Gauquelin, oubliant en particulier la contre-expérience menée, selon un protocole défini en commun avec Gauquelin lui-même (Benski et al. The Mars Effect, Prometheus Books, 1996). Il s’agissait pourtant d’une des rares expériences où un protocole expérimental a pu être défini et accepté par toutes les "parties". L’étude a porté sur plus de 1000 sportifs. Les données ont été publiées, elle peuvent être examinées, l’étude peut être vérifiée, et elle l’a été. Et la conclusion est sans appel : aucune influence astrologique n’a été mise en évidence. Cette étude est superbement ignorée, elle va à l’encontre de la thèse soutenue. Mais ce n’est pas suffisant, il faut aussi falsifier les avis des "sceptiques" sur le sujet.

Ainsi, Madame Teissier affirme (Page 608) que ".. les expériences de M. Gauquelin, qui obtinrent pourtant - et ce ne fut pas facile - la sanction, sinon la bénédiction du Comité Belge pour l'étude des faits paranormaux,...". En réalité, ce Comité Belge dont le vrai nom est "Comité Belge pour l'investigation scientifique des phénomènes réputés paranormaux", dit… exactement le contraire (numéro 43 des "Nouvelles Brèves", revue du Comité, septembre 1976, p. 327-343) : "... Le Comité conteste la validité des diverses formules adoptées par M.M. Gauquelin pour le calcul des fréquences... (…). Le Comité ne peut donc accepter les conclusions de M. Gauquelin aussi longtemps qu'elles seront basées sur les méthodes et formules que celui-ci préconise.".

Le hasard, ce n’est pas « une chance sur deux »…

Les statistiques sont souvent invoquées en faveur des "preuves de l’astrologie". Examinons la compréhension de ce concept à travers la thèse. Tout d’abord, Elizabeth Teissier montre qu’elle confond le nombre de valeurs que peut prendre une assertion avec la probabilité a priori de réalisation de chacune de ces assertions. Ainsi, un dé peut présenter 6 faces distinctes. Si le dé n’est pas pipé, chacune des possibilités est équiprobable et le hasard donnera une chance sur six pour chacune des faces. Mais ce n’est pas le cas de toutes les affirmations. Toutes les possibilités ne sont pas toujours équiprobables, et le "hasard" ne peut donc être invoqué aussi simplement. Par exemple, "il va pleuvoir au moins une fois en 2001" peut prendre 2 valeurs (vrai ou faux). Mais la probabilité a priori des deux n’est pas équivalente, et un astrologue qui revendiquerait de bonnes performances en proclamant "alors que le simple hasard donnerait une chance sur deux, nous avons pronostiqué mieux en affirmant qu’il ferait beau au moins un jour sur deux en 2001" aurait l’air peu sérieux. Or c’est exactement ce que fait Elizabeth Teissier dans sa thèse : "Il faut préciser que leur conclusion [aux opposants à l’astrologie] consistait à dire que les ressources prévisionnelles de l’astrologie ne dépassaient pas le hasard, à savoir une chance sur deux. Comme notre expérience nous avait donné des résultats très différents (environ 4 prévision sur 5 avérées), nous n’étions pas prête à laisser l’astrologie malmenée". (p. 760). Non, le hasard, ce n’est pas « une chance sur deux ».

Toujours à propos des statistiques, Madame Teissier invente également de nouveaux concepts qu’elle ne définit jamais, comme par exemple les statistiques carrées et linéaires. "En effet, la synthèse subtile de mille facteurs qu’elle [l ’astrologie] nécessite de même que leur enchevêtrement complexe (…) apparaissent comme autant de contre-indications à des statistiques carrées et linéaires." (p. 295).

Les expériences

Mais il n’y a pas que les statistiques qui sont malmenées. La mécanique quantique est invoquée pour disqualifier des expériences qui ne concluent pas en faveur de l’astrologie: "Il faut dire que l’intention d’un chercheur, on le sait maintenant depuis Heisenberg, déteint sur les résultats d’une recherche". Le principe d’incertitude d’Heisenberg n’a en fait strictement rien à voir avec l’intention de l’expérimentateur. Il concerne le lien entre deux paramètres d’une particule, sa vitesse et sa position, qui ne peuvent être connus simultanément qu’avec une précision limitée.

Mais examinons plus en détail ce qui est affirmé. Le Principe d’incertitude d’Heisenberg est invoqué pour disqualifier une étude qui va à l’encontre des affirmations des astrologues. Si une expérience est entreprise, soit elle conclut en faveur de l’astrologie, et tout va bien pour Madame Teissier, soit elle ne le fait pas, et alors, l’expérience est à remettre en cause, l’expérimentateur étant (mal) intentionné. Pile, je gagne, face tu perds… Notons au passage qu’Elizabeth Teissier ne s’interroge pas pour savoir si les "expériences" prouvant à ses yeux la réalité de l’astrologie ne seraient pas également victime de ce "syndrome d’Heisenberg" et de l’intention des expérimentateurs (souvent d’ailleurs, des expérimentateurs peu formés aux exigences de l’expérimentation scientifique).

DE MULTIPLES APPLICATIONS AVEC DES AFFIRMATIONS SANS PREUVE

L’astrologie est quasi-universelle. C’est la science des sciences. Là encore, des affirmations sans preuve, sans argument, sans référence.

Psychologie : "L’astrologie se veut la science par excellence de la personnalité, assorti de la révélation d’un destin probable (élément qui est également dans ses cordes)" (p. 9). "N’est il pas révélateur par exemple que les psychologues fassent souvent appel aux astrologues du "plus" certain que l’art royal des astres peut leur apporter, en particulier en ce qui concerne l’étiologie - ou les causes profondes - d’un complexe, d’une névrose ou d’une psychose ou tout simplement à cause de la richesse et de la subtilité de l’analyse astrologique en général, alors que l’inverse semble être l’exception". (p. 746).

"Les" psychologues, lesquels ? Ils font "souvent" appel. D’où sort ce "souvent" ? D’où sortent toutes ces affirmations ? Les références sérieuses de publications en psychologie faisant référence à l’astrologie sont toujours attendues.

Médecine : "De récentes recherches nous ont en effet permis d’établir la corrélation entre cancer, voire sida, avec des dissonances de ces deux planètes par rapport au thème natal." (p. 213). "En revanche, il est dans les cordes de l’astrologie de pouvoir focaliser sur des points lumières ou des points sombres afférents à l’évolution d’une maladie, ce qui est certes un des avantages les plus notoires et les plus précieux de la science des astres. Pouvoir dire à une personne qui souffre et qui a perdu l’espoir d’une guérison prochaine quand son calvaire s’arrêtera - est, à n’en pas douter, un plus certain de la consultation astrologique". (p. 394).

Quelles sont ces "récentes recherches" établissant une corrélation entre sida, cancer et astrologie ? Où sont les expériences qui prouveraient que l’astrologie permet de prédire une guérison, une date de "fin de calvaire" ? Mystère.

Bourse et économie : "Devant les résultats souvent spectaculaires - et inexplicables en dehors de la logique des astres - de certains conseillers astrologues auprès de grands décideurs intrigués" (p. 430).

Recrutement des entreprises : "L’astrologie vient s’ajouter à la graphologie et aux éventuels psychotests [pour le recrutement]. Et cela à juste titre…" (p. 420).

Ajoutons enfin ces explications inédites aux tremblements de terre et au volcanisme : Elizabeth Teissier qualifie de "documents pointus sur sa discipline" ce qu’un correspondant lui écrit : "L’électricité négative solaire arrive la première. Elle peut former des couches dans l’atmosphère, qui induit des séismes ou des éruptions volcaniques ; celles-ci peuvent être considérées, en partie du moins, comme des explosions d’électricité positive du manteau". (p. 367). Ne cherchons plus les explications de ces phénomènes dans les mouvements telluriques…

CONCLUSION

La thèse est bel et bien un plaidoyer en faveur de l’astrologie, cherchant à « démontrer » que l’astrologie est scientifique. Mais il s’agit systématiquement d’affirmations sans preuve, de commentaires ignorant les références existantes, d’interprétations erronées, le tout couronné par une confusion sur les sujets scientifiques invoqués.

Concernant les principaux arguments mis en avant à l’encontre de l’astrologie par les scientifiques, ils sont en général traités par le mépris et par une dénégation de principe, sans argument. Au vrai, ils sont ignorés la plupart du temps. Et de ce fait, la thèse n’apporte même pas le point de vue d’un astrologue sur ces arguments pourtant vieux de plusieurs siècles.

 

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[Docteur Tessier ?]

     

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