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  Pierre Bourdieu

 
 

sociologue énervant

 

Des textes sur et autour

  

Dany l'ex-rouge !

  Daniel Cohn-Bendit
  Lettre ouverte à Pierre Bourdieu.

 
 

Non, je ne suis pas un clone de Madelin, de Montand ou de Tapie.
Libération, 26 et 27 décembre 1998. Voir la – brève – Réponse de Bourdieu ; le texte d'Halimi dans les Inrocks.

 
 

 

Cher ami,

pointg.gif (57 octets) Nous devions débattre ensemble sur Arte et nous envisagions de publier le débat. J'ai appris par mon ami Pierre-André Boutang que vous ne le vouliez plus, je le regrette sincèrement, nous espérions ainsi montrer que vous n'étiez pas cet antieuropéen auquel voudraient vous réduire vos adversaires et que je n'étais pas ce néolibéral auquel voudraient me réduire les miens. 

pointg.gif (57 octets) J'ai compris la raison de votre refus à la lecture de l'article de votre ami Serge Halimi dans le dernier numéro des Inrockuptibles, numéro dont vous êtes le rédacteur en chef. De quoi en effet pourriez-vous discuter avec un vulgaire émule de Madelin, ou un clone de cet acteur qui sur le tard rompit avec ses amours staliniennes pour vanter les bienfaits du libéralisme économique entre deux parties de poker avec quelques représentants du grand patronat, ou, variante guère plus glorieuse, le clone de Tapie, figure emblématique d'un mitterrandisme que Rocard a stigmatisé dernièrement. Ou, enfin, avec Lalonde, l'ex-ministre de l'Environnement du même Rocard, aujourd'hui passé à Démocratie libérale. 

pointg.gif (57 octets) Il vous arrive de stigmatiser les simplifications de vos adversaires à l'égard de votre pensée. Vous êtes moins exigeant à l'égard de vos amis quand, à l'évidence, ils font de même à l'égard des autres. 

pointg.gif (57 octets) La démocratie a besoin de vraies confrontations, de vrais débats, on ne peut réduire, sans danger, le combat politique et intellectuel aux pamphlets vengeurs de quelques résistants héroïques à la « pensée unique », cette invention merveilleuse qui évite de faire dans le détail. Ces vaillants défenseurs des opprimés vous transforment vite en « ennemis du peuple » manipulés par le capitalisme cosmopolite, en renégats, en agents de la bourgeoisie et de l'impérialisme, comme on l'écrivait jadis dans l'Humanité

pointg.gif (57 octets) Je ne mange pas de ce pain-là et ne mettrai pas tous les adversaires de la mythique « pensée unique » dans le même sac. Vous n'avez rien à voir avec Jean-Pierre Chevènement, qui me traite d'agent stipendié de la Bundesbank, ou avec Séguin, pourtant tous deux grands pourfendeurs de la « pensée unique ». 

pointg.gif (57 octets) Ce n'est pas ici le lieu de répondre de façon détaillée aux accusations qui me sont faites. Je le ferai plus en détail dans la préface de l'édition de poche de l'Envie de politique qui devrait paraître au printemps. Pourtant, quelques mots sur l'indépendance des banques centrales, les services publics, les fonds de pension, le rôle du marché, l'école et la formation professionnelle... 

pointg.gif (57 octets) D'abord, je suis toujours prêt à reconnaître que je peux me tromper. Rien ne pourrait m'obliger à défendre ce à quoi je ne croirais plus, ni la discipline d'un parti, ni la peur d'être à nouveau taxé de renégat, ni le statut de penseur ou de théoricien que je n'ai pas. 

pointg.gif (57 octets) Dans le débat sur la Banque centrale j'ai simplement voulu dire qu'une ultralibérale comme Margaret Thatcher s'est fort bien accommodée d'une banque centrale dépendante ; que la gauche coréenne se bat pour une banque indépendante, car elle se souvient de l'utilisation de la banque par le pouvoir militaire ; qu'au moment de la réunification de l'Allemagne, Kohl a imposé à l'indépendante Bundesbank, qui était contre, la parité du mark à Est/Ouest. 

pointg.gif (57 octets) Enfin, tout le monde s'accorde à dire que l'indépendante Banque fédérale américaine mène une politique que les plus keynésiens ne renieraient pas. Montrer, même quand on n'est pas un spécialiste, que les choses sont plus complexes, qu'une banque indépendante l'est bien moins que veulent bien le dire les spécialistes et les doctrinaires, et qu'une banque dépendante peut être au service du libéralisme le plus ultra, est-ce vraiment là un si grand crime ? 

pointg.gif (57 octets) J'ai toujours défendu la notion de service public, c'est-à-dire l'engagement des pouvoirs publics dans un certain nombre de domaines économiques : énergie, communication, transports, santé, éducation, gestion de l'eau, etc. Que l'État impose dans ces domaines un cahier des charges rigoureux implique-t-il forcément la prise en charge par l'État de ces domaines ? Poser ces questions est-ce vraiment le signe d'un ultralibéralisme forcené ? 

pointg.gif (57 octets) Que nous ayons à réfléchir sur nos systèmes de retraite est une évidence. L'allongement de la scolarité, de l'espérance de vie, le recul du nombre d'enfants par famille posent un ensemble de problèmes pour lesquels il y a des solutions multiples, avec des avantages et des inconvénients. Je n'ai jamais dit qu'il fallait remplacer le système « par répartition » par les fonds de pension. J'ai dit que cela ne me choquait pas que les fonds se rajoutent au système par répartition. Mais j'ai aussi ajouté que la gestion des fonds posait un vrai problème, et que gérés par des banques ou des mutuelles, ce n'est pas pareil. Mais peut-être ai-je là encore eu tort et les bonnes solutions seront-elles celles qui privilégient la solidarité et non l'individualisme, même si en contrepartie on devrait travailler un peu plus longtemps. Mais on ne peut refuser d'aborder le problème en affirmant qu'il n'y en a pas. 

pointg.gif (57 octets) Pour l'école, j'ai parlé d'autonomie des établissements et non de pouvoir renforcé du chef d'établissement. Je suis pour que les élèves et les enseignants gèrent les établissements ; c'est eux qui doivent avoir plus de pouvoirs administratifs et pédagogiques, par rapport au pouvoir central. Je pense aussi que l'enseignement professionnel ne peut se passer de relations avec les entreprises, ce qui ne veut nullement dire avec les patrons. Pourquoi ne pas imaginer des relations avec les comités d'entreprise ? Vous voyez cher ami qu'un débat permettrait de clarifier bien des positions et, pourquoi pas, me faire changer d'avis. 

pointg.gif (57 octets) Le libéralisme économique mythifie le marché, comme d'autres avaient mythifié les vertus de la planification bureaucratique et étatique sous la houlette du parti. Les partisans de l'économie libérale veulent un marché sans régulation. 

pointg.gif (57 octets) J'ai toujours affirmé que le, ou mieux, les marchés devaient être régulés par les pouvoirs publics. Régulation du marché du travail par la législation sociale, régulation des marchés financiers par la taxe Tobin. J'ajouterai, en européen convaincu, que l'instauration d'une telle taxe ne pourra se faire que dans un espace politique et économique comme l'Europe et sûrement pas dans un espace comme l'État-nation. 

pointg.gif (57 octets) Serge Halimi me rappelle que « la résistance, la rébellion (je saute la révolution à laquelle je ne crois plus), ce n'est ni un style ni une posture »... J'ajouterai : fussent le style et la posture du pamphlétaire. 

pointg.gif (57 octets) Je reste le révolté d'antan, le chômage et la précarité sont intolérables, comme le dit Arlette, mais c'est aujourd'hui et sans attendre des lendemains qui chantent que je veux participer à leur éradication, en réformiste que je suis. Dans ce combat, les mouvements de chômeurs, comme dans d'autres secteurs Droit au logement, le mouvement de défense des sans-papiers ou Act Up, sont des armes indispensables. Eux aussi combattent radicalement pour des changements immédiats. 

pointg.gif (57 octets) J'espère que notre débat aura tout de même lieu d'une façon ou d'une autre. 
Amicalement.

Dani.

 

Dany l'ex-rouge !

   

 

   
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