Nous écrire !

  

 

« Lexique » bourdieusien —Parcours erratique de morceaux choisis

  

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

N

O

P

Q

R

S

T

U

V

W

X

Y

Z

  

HABITUS (L')

 

(structure)
« Structure structurante, qui organise les pratiques et la perception des pratiques, l’habitus est aussi structure structurée : le principe de division en classes logiques qui organise la perception du monde social est lui-même le produit de l’incorporation de la division en classes sociales. »

(La Distinction, Minuit, 1979, p.191)

 

(capacité)
« L’habitus est […] à la fois principe générateur de pratiques objectivement classables et système de classement (principium divisionis) de ces pratiques. C’est dans la relation entre les deux capacités qui définissent l’habitus, capacité de produire des pratiques et des œuvres classables, capacité de différencier et d’apprécier ces pratiques et ces produits (goût), que se constitue le monde social représenté, c’est-à-dire l’espace des styles de vie. »

(La Distinction, Minuit, 1979, p.190)

 

(et conditionnement)

« Les conditionnements associés à une classe particulière de conditions d'existence produisent des habitus, systèmes de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c'est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre, objectivement « réglées » et « régulières » sans être en rien le produit de l'obéissance à des règles, et, étant tout cela, collectivement orchestrées sans être le produit de l'action organisatrice d'un chef d'orchestre ».

(Le sens pratique, Minuit ,1980, p.88)

 

(Principe d’unification)
« Principe d’unification et d’explication de cet ensemble de conduites, en apparence disparates, qui constituent une existence une ».

(« Postface », in Panofsky, E. (1970) : Architecture gothique et pensée scolastique, trad. et postface de Pierre Bourdieu, Paris, Éditions de Minuit, Le Sens Commun, p.164)

 

(correctifs historiques et effets de champ)

« J'avais la conviction que par la réflexion et surtout la réflexion collective, on pouvait maîtriser les obstacles sociaux à la pratique scientifique, et en particulier ceux qui tiennent à l'origine sociale. Et je me réjouissais souvent de voir des équipes composées d'une jeune femme issue de la noblesse et une autre du sous-prolétariat ou d'un type du 7e arrondissement et d'un autre de la banlieue de Marseille. En fait, les habitus sont très puissants et je les avais sous-estimés... Y compris dans un groupe de gens qui ont pour préoccupation le monde social. Par exemple, c'était la seule règle que j'avais énoncée, il était entendu qu'on ne se servait jamais de la sociologie pour régler des comptes entre nous : la notion d'habitus (ou de trajectoire) est très dangereuse dans l'usage quotidien, parce qu'elle est utilisée selon les vieux réflexes PC : "Tu n'es qu'un fils de...". Ça donne très facilement ça et ça conduit à ignorer les correctifs historiques de l'habitus, ainsi que les effets de champ (selon le principe qu'un habitus produit des choses différentes selon le champ auquel il est exposé, etc.). Donc, il y a un danger de régression vers l'explication déterministe, simpliste, mono-factorielle, par l'origine sociale contre lequel je ne peux pas grand-chose. »

(in Lire les sciences sociales, de Gérard Mauger et Louis Pinto, volume 3, 1994-1996, pp.220-221, Hermes Science, Paris, octobre 2000)

 

(et habitude)
« L'habitus, comme le mot le dit, c'est ce que l'on a acquis […]. Mais pourquoi ne pas avoir dit habitude ? L'habitude est considérée spontanément comme répétitive, mécanique, automatique, plutôt reproductive que productrice. Or, je voulais insister sur l'idée que l'habitus est quelque chose de puissamment générateur. »

(Questions de sociologie, Minuit, 1980, p.134)

 

(et actions)

« Étant le produit de l’incorporation de la nécessité objective, l’habitus, nécessité faite vertu, produit des stratégies qui, bien qu’elles ne soient pas le produit d’une visée consciente de fins explicitement posées sur la base d’une connaissance adéquate des conditions objectives, ni d’une détermination mécanique par des causes, se trouvent être objectivement ajustées à la situation. »

(« Fieldwork in philosophy », in Choses dites, Minuit, 1987, p.21)

 

«La notion d’habitus a été inventée […] pour rendre compte de ce paradoxe : des conduites peuvent être orientées par rapport à des fins sans être consciemment dirigées vers ces fins, dirigées par ces fins. »

(« Fieldwork in philosophy », in Choses dites, Minuit, 1987, p.20)

 

« Construire la notion d’habitus comme système de schèmes acquis fonctionnant à l’état pratique comme catégories de perception et d’appréciation ou comme principes de classement en même temps que comme principes organisateurs de l’action, c’était constituer l’agent social dans sa vérité d’opérateur pratique de construction d’objets. »

(« Fieldwork in philosophy », in Choses dites, Minuit, 1987, p.24)

 

(et sujet)

« On peut comprendre rétrospectivement le recours à la notion d’habitus, vieux concept aristotélicien-thomiste […] comme une manière d’échapper à cette alternative du structuralisme sans sujet et de la philosophie du sujet. […] Malheureusement, on applique à mes analyses […] les alternatives mêmes que la notion d’habitus vise à écarter, celles de la conscience et de l’inconscient, de l’explication par les causes déterminantes ou par les causes finales. »

(« Fieldwork in philosophy », in Choses dites, Minuit, 1987, p.20)

 

« Parler d'habitus, c'est poser que l'individuel, et même le personnel, le subjectif, est social, collectif. L'habitus est une subjectivité socialisée. »

(Réponses, Seuil, 1992, p.101)

 

« L'habitus n'est pas le destin que l'on y a vu parfois. Étant le produit de l'histoire, c'est un système de dispositions ouvert, qui est sans cesse affronté à des expériences nouvelles et donc sans cesse affecté par elles. Il est durable mais non immuable. Cela dit, je dois immédiatement ajouter que la plupart des gens sont statistiquement voués à rencontrer des circonstances accordées avec celles qui ont originellement façonné leur habitus, donc à voir des expériences qui viendront renforcer leurs dispositions ».

(Réponses, Seuil, 1992, p.108—109)

 

« L'habitus peut aussi être transformé à travers la socioanalyse, la prise de conscience qui permet à l'individu d'avoir prise sur ses dispositions. Mais la possibilité et l'efficacité de cette sorte d'auto-analyse sont elles-mêmes déterminées en partie par la structure originelle de l'habitus en question, en partie par les conditions objectives sous lesquelles se produit cette prise de conscience ».

(Réponses, Seuil, 1992, p.239)

 

Voir aussi : Habitus clivé; Inconscient; Sens pratique; Stratégie; Don Quichotte (efet).

  

Les pages Bourdieu

 

Le Magazine de l'Homme Moderne et la liste Champs, 2002.