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  Actes de la recherche en sciences sociales

 
 

Délits d'immigration. Numéro 129, septembre 1999.
    

 
  L'immigration contre l'État national.
Thomas Ferenczi.
Le Monde, 17/9/99.

La revue de Pierre Bourdieu, « Actes de la recherche en sciences sociales », s'intéresse à la situation des immigrés. Le sociologue Abdelmalek Sayad souligne que l'immigration, en perturbant l'idée de nation, est perçue comme une anomalie.

pointg.gif (57 octets) La dernière livraison d'Actes de la recherche en sciences sociales (Le Seuil), que dirige Pierre Bourdieu, a pour titre « Délits d'immigration ». Elle se propose de montrer comment le phénomène migratoire s'inscrit dans les évolutions du capitalisme mondial et comment celui-ci, en fonction de ses besoins, intègre, transforme ou criminalise l'immigration.
Il faut en effet rappeler que la situation des immigrés est d'abord liée à leur place dans la stratification sociale. Comme l'indique Frédéric Lebaron, « l' "espace des immigrés" est lui-même situé dans l'espace social ». Aussi le débat public autour de ce que l'on appelle improprement le « problème de l'immigration » apparaît-il singulièrement réducteur.
En focalisant l'attention sur l'origine géographique des immigrés, il néglige le fait qu'ils représentent en France « une composante importante de la classe ouvrière », plus particulièrement de « l'univers des ouvriers industriels les moins qualifiés » et qu'à ce titre ils sont « soumis aux lois du fonctionnement le plus ordinaire de l'espace social national et international ». Or celui-ci tend à reproduire les inégalités de départ ou, dans le langage de l'auteur, « la structure des différences de dotation initiale ».
Ainsi les immigrés, parce qu'ils sont « moins riches en capital économique, culturel et social », font-ils l'objet d'une « discrimination structurale » dont la logique est aujourd'hui renforcée, selon Frédéric Lebaron, par les politiques néolibérales, qui intensifient la concurrence sur le marché du travail. Du fait de la stigmatisation particulière dont ils sont la cible en raison de leur origine, les travailleurs immigrés sont les premières victimes de ces tensions auxquelles le racisme, écrit Frédéric Lebaron, peut « offrir un exutoire ».

pointg.gif (57 octets) Des huit contributions qui déclinent, chacune à sa manière, ce thème dominant, on retiendra le bel article posthume du sociologue Abdelamek Sayad. Sous le titre « Immigration et pensée d'État », il explique d'une manière très convaincante que les structures mentales à travers lesquelles, que nous le voulions ou non, nous percevons l'immigration sont des structures « nationales » qui sont elles-mêmes le reflet des structures de l'État. « Le phénomène migratoire, en sa totalité, émigration et immigration, ne peut être décrit et inteprété autrement qu'à travers les catégories de la pensée d'État. »
Autrement dit, « nous pensons tous l'immigration (...) comme l'État nous demande de la penser et , en fin de compte, comme il la pense lui-même ». Résultat : le fait même de l'immigration, troublant la séparation entre ce qui est national et ce qu'il ne l'est pas, « est entaché de l'idée de "faute", de l'idée d'anomalie ou d'anomie ».
Le délinquant immigré est ainsi doublement coupable : d'être un délinquant et d'être un immigré. La « double peine » n'est pas dans les codes, mais elle « existe objectivement » dans notre façon de penser : « Tout procès d'immigré délinquant est un procès de l'immigration, essentiellement comme délinquance en elle-même et secondairement comme source de délinquance. »
Oeuvre d'une vie tout entière consacrée à l'étude de l'immigration, le travail d'Abdelmalek Sayad, dont cet article est un bon exemple, a renouvelé l'analyse du fait migratoire dont il a su mettre au jour, avec autant de sensibilité que de rigueur, les véritables enjeux.
 

 
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