Controverses sur...

  

Controverses sur la science.
Pour une sociologie transversaliste de l’activité scientifique.
Pascal Ragouet & Terry Shinn

La définition de la science, son organisation et les liens qui l’unissent à la société font l’objet d’âpres confrontations. Derrière les positions en présence se profilent des visions différentes du monde social et de ce qu’il devrait être.

Depuis les années 1970, la science est la cible d’attaques plus ou moins liées à la pensée postmoderne. D’abord localisé aux Etats-Unis, ce mouvement critique a gagné l’Europe. Il accuse la science de contribuer à la domination de certaines minorités, d’affirmer la supériorité de la science occidentale, de servir les complexes militaro-industriels et de concourir à la situation écologique déplorable de la planète. Une idéologie anti-science s’est ainsi développée, suscitant l’essor d’un relativisme intellectuel pour lequel tout se vaut : la vérité n’existerait pas ; les démarcations classiques entre science et société, nature et culture sont niées et fondues dans un conglomérat indifférencié. Cette position conteste également à la science l’autonomie qu’elle revendique pour fonctionner efficacement. Mais la revendication d’une domestication démocratique de l’activité scientifique ne conduit-elle pas, dans le contexte actuel, à inscrire la science sous la coupe des lois du marché ? Une « guerre des sciences » est déclarée.

Ce livre présente la toile de fond de ce débat en exposant trois points de vue sociologiques sur la science et l’innovation technique.

Le premier considère la science comme un mode de connaissance épistémologiquement différent des autres. À la suite de Robert K. Merton, des sociologues qui partagent cette approche ont analysé l’institutionnalisation des sciences, la formation de ses normes et de ses critères d’excellence professionnelle, les conditions du développement des connaissances et des révolutions scientifiques. Mais ils considèrent n’avoir rien à dire, en tant que sociologues, sur le contenu même de la science.

Cette vision est remise en cause à la fin des années 1970 par une nouvelle sociologie qui dénie au savoir scientifique sa particularité. Poussant l’analyse au cœur des structures cognitives de la science, elle prend pour objet la production scientifique elle-même. Selon ce point de vue, la science n’existerait ni en tant qu’espace social intégré ni en tant qu’ensemble de disciplines distinctes, mais plutôt comme un « réseau ».

La disjonction entre les deux perspectives laisse toute une série de problèmes en suspens. N’est-il pas envisageable de construire un cadre d’analyse qui permettrait de saisir l’autonomie relative du champ scientifique comme le résultat de forces transversales qui le traverseraient et le relieraient aux autres espaces sociaux ? C'est l'axe problématique qui conduit les auteurs à défendre la possibilité d'un troisième scénario dit transversaliste.

 

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