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La science des institutions impures.
Bourdieu critique de Lévi-Strauss
Antoine Lentacker

Pour comprendre le fonctionnement d'une société, Claude Lévi-Strauss et Pierre Bourdieu partagent l'idée qu'il est primordial de reconnaître à la fois le caractère arbitraire des faits sociaux qui la fondent et la nécessité de la structure des relations qui les font tenir ensemble. Pour eux, l'ordre social n'est pas le produit simple et direct d'une nature universelle de l'homme, mais tient à la nature instituée de ces faits sociaux et au système qu'ils forment.

Les deux auteurs se séparent toutefois sur les conséquences qu'ils tirent de ce constat premier. Pour Lévi-Strauss, l'arbitraire radical des systèmes symboliques leur garantit une forme de transcendance par rapport aux intérêts pratiques : l'analyse structurale des systèmes symboliques purs constitue une voie d'accès aux structures permanentes de l'esprit humain. Pour Bourdieu, l'arbitraire de l'ordre social s'exerce sous la forme de rapports de domination et de conflits d'intérêts qui induisent des stratégies individuelles ou collectives de contestation à la source des transformations historiques des sociétés. Prenant le parti d'une analyse conceptuelle, l'auteur révèle l'articulation de deux systèmes de pensée essentiels pour les sciences sociales d'aujourd'hui. Dans une lecture à la fois précise et claire de deux œuvres difficiles, il rend raison des principes tant de leur accord que de leur divergence. Ce faisant, il met à disposition des outils théoriques particulièrement puissants pour comprendre le monde social et ses transformations.

Ce livre aborde la question des fondements de l’analyse des sociétés, et en particulier du caractère symbolique des institutions. Sans s’en tenir à la lettre des critiques adressées par Pierre Bourdieu au structuralisme de Claude Lévi-Strauss, l’auteur dresse un tableau des différences profondes que leurs analyses impliquent, aussi bien du point de vue de la nature des systèmes symboliques et de l’économie des pratiques que de la théorie de la connaissance. Il montre en particulier comment une science sociale rigoureuse n’est pas incompatible avec une analyse des modes de domination qui s’expriment dans les institutions sociales.

Quoique rigoureux, ce livre a un caractère pédagogique et constitue une excellente introduction à deux des auteurs principaux des sciences humaines et sociales du XXème siècle. Il s’adresse aussi bien à des étudiants et des universitaires qu’à tous ceux qui souhaitent comprendre les relations conceptuelles entre l’anthropologie et la sociologie à partir des œuvres de deux auteurs majeurs de ces disciplines.

 
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