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  Attac contre Attac
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Dans son numéro zéro, PLPL s’étonnait de l’association d’Attac avec Matra-Hachette-Lagardère, marchand d’armes et grand groupe de presse et d’édition. Relayée par le n° 160 du Grain de sable <www.attac.org>, l’information provoqua des remous chez les militants d’Attac. Un membre du comité Paris 15e proposa une pétition pour changer d’éditeur. Voici la réponse du président Bernard Cassen : « C’est moi, en liaison avec René Passet, président du Conseil scientifique, qui ai pris la décision de publier nos petits livres aux éditions Mille et Une Nuits. J’en ai évidemment informé le Bureau qui n’a pas considéré qu’il y avait matière à débat. Pourquoi cette décision ? […] Trois paramètres étaient à prendre en considération : le prix public ; la capacité de diffusion et de distribution de l’éditeur ; la capacité logistique de l’éditeur à faire des envois directs aux comités. En ce qui concerne le prix public, seuls L’Esprit frappeur et les Mille et Une Nuits pouvaient proposer 10 francs. Mais le considérable avantage de l’éditeur retenu, membre du groupe Fayard, est son réseau de diffusion et de distribution très dense et sa réactivité aux demandes de réassorts. […] Cette collaboration n’implique évidemment – qui pourrait sérieusement en douter ? – aucune allégeance politique, et nous ne nous priverons pas de critiquer le groupe Lagardère quand il le faudra, voire de publier un livre contre lui chez le même éditeur… Le problème de la “symbolique” m’apparaît, en la circonstance, moins important que celui de l’efficacité. Pratiquement toute l’édition française est contrôlée par des grands groupes. Nous avons donné la priorité à la diffusion des idées. Et les résultats sont là ! Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer l’impact de l’“effet collection” chez un même éditeur qui nous aidera à vendre des titres moins “porteurs” que les deux premiers […] J’espère que ces précisions répondront à vos interrogations. »
Le militant ne s’en est pas laissé compter par ses présidents, ses conseils, d’administration et scientifique : « Sur la réponse de Bernard Cassen à la polémique sur le choix de l’éditeur Mille et une nuits : je désapprouve totalement ses arguments. Peut-être que le bureau n’a pas considéré qu’il y avait matière à débat mais qu’en est-il des adhérents et des militants ? De plus, l’argument sur la large couverture du réseau de distribution et l’approvisionnement me fait penser au mode industriel du flux tendu appliqué très largement dans la vente de services. “Réactivité”, “conditions de performance” me surprennent énormément de la part de quelqu’un qui dirige un journal qui ne cesse de dénoncer la spirale infernale, la fuite en avant vers l’instantanéïté, la productivité et la rentabilité à outrance engendrés par l’univers marchand […] Peut-on combattre un système et en même temps s’en accommoder assez bien tout en prétextant que cela permet de diffuser des idées et des alternatives progressistes à plus grande échelle ? […] »

 

  À (re)lire 

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  Les prisons de la misère
  de Loïc Wacquant
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Largement ignoré par la presse nationale lors du récent débat sur les conditions d’incarcération, Les Prisons de la misère de Loïc Wacquant (Raisons d’agir, 1999) a retenu l’attention de Philippe Person (Person magazine) et de Jean-Marc Rouillan (Action directe).

Il est des livres qui, à l’instar des Prisons de la misère, passent relativement inaperçus alors que l’on sent leur sujet essentiel. Je crois que la démonstration radicale de Loïc Wacquant, montrant que l’abandon partout dans le monde occidental, et de manière extrême aux États-Unis, de l’État social, aboutit en contrepartie au développement d’un État pénal qui privilégie l’univers carcéral pour régler les problèmes de la pauvreté, fera bientôt l’objet de succédanés édulcorés, voire fictionnés, ou permettra à un faiseur médiatique de jouer les Cassandre visionnaire. Évidemment, le journaliste-enquêteur qui se démarquera de Wacquant en restera au constat et n’ira pas jusqu’à incriminer le néolibéralisme triomphant et la victoire des thèses idéologiquement douteuses comme la « tolérance zéro » chez les anciens sociaux-démocrates type Blair ou Jospin.

    Wacquant, en effet, montre comment, parti des laboratoires idéologiques de la droite conservatrice américaine, le tout-sécuritaire moderne s’est répandu d’abord en Grande-Bretagne puis en Europe continentale et en France particulièrement. À la lumière de Wacquant, on comprend mieux pourquoi aussi peu de gens, parmi ceux qui se proclament authentiquement de gauche, protestent quand Mme Guigou annonce la création de nouvelles prisons, et ne met pas le hola à une politique répressive grandissante qui allonge les peines et incarcère de plus en plus généreusement les délinquants issus des classes populaires. Wacquant confirme ce que je pense depuis longtemps : le prochain reniement idéologique de la gauche sera sur le terrain de la sécurité. Il parle sans mâcher ses mots du « révisionnisme pénal » du gouvernement Jospin, s’en prend « à l’aggiornamento idéologique de la gauche gouvernementale visant à redéfinir le périmètre et les modalités d’action de l’État, dans un sens restrictif au plan économique et social, et expansif en matière policière et pénale » […].

Philippe Person
Person magazine, n° 6, avril 2000
Exemplaire disponible sur demande
contre une enveloppe timbrée chez son auteur :
127, bd Pereire, 75017 Paris

Cher Monsieur,

Votre livre nous est parvenu et je tiens à vous en remercier au nom de mes co-détenus. Depuis, il circule de cellule en cellule. J’ai déjà dû en colmater la structure à grands renforts de ruban adhésif !

J’ai la certitude que ce travail apporte une conscience nouvelle à tous ceux qui vivent, dans leur chair et leur esprit, le durcissement des politiques pénales. Je le constate dans nos discussions. Les détenus sont d’autant plus intéressés et troublés que vous allez au-delà de leur situation carcérale pour non seulement la dénoncer, mais lui donner un sens et une approche globale et transnationale – l’allongement des condamnations, le recul des mesures d’application des peines, la lente agonie des centres scolaires et des activités culturelles…

En tant que prisonnier révolutionnaire, j’oppose malgré tout à votre démonstration quelques critiques ; essentiellement à propos de votre défense d’un État social (illusion) face à l’État pénal actuel. Pensez-vous que le capitalisme puisse réellement survivre sans le rapport de force qu’il impose aujourd’hui ? Le néolibéralisme n’était-il pas la seule solution possible (du point de vue de la bourgeoisie) à la crise du fordisme ? Le saut à un nouveau modèle d’accumulation ne reposait-il pas avant tout sur la répression du prolétariat et de ses aspirations, et ne se reproduit-il pas en réprimant les misères et les révoltes produites par la qualité de précarité globale ? Sans peur de passer pour un incorrigible « paléobolchevik », un « incompatible », je dirai qu’il est impossible de situer l’État pénal (et son devenir) sans une étude de la composition/lutte des classes dans l’ensemble du système impérialiste.

Merci de votre attention ¡ Venceremos !
Salutations révolutionaires

Jean-Marc

Centrale de Lannemezan, le 10 avril 2000

Jean-Marc Rouillan
1379 B 202
lettreCentrale de Lannemezan
65307 Lannemezan CEDEX