Pour lire pas lu

POUR LIRE
PAS LU

 

 

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Leurs crânes sont des tambours, leurs crânes sont des tambours. Écoutons le son qui en sort.

   

   

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  Dossier :   LES FAUX
  IMPERTINENTS

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Michel Field ne défend que la cause du pleutre
Michel Field n’a qu’une obsession : surpasser Guillaume Durand. Un défi audacieux pour l’actuel présentateur de La marche du siècle, qui toutefois dispose d’une botte secrète : six ans de militantisme à la Ligue communiste révolutionnaire dans les années 70. Exploiter ce potentiel de reniement colossal lui permettra, pense-t-il, de pulvériser son adversaire.

Field contestait l’École vecteur de l’idéologie bourgeoise et tous les profs : il devint professeur à l’École normale (là où sont formés les profs). Il dénonçait la police ; il lui consacre un publi-reportage. Il vomissait la société capitaliste ; il encourage les chômeurs à ouvrir des pizzerias (lire ci-dessous).

En 1991, Durand réglait déjà le cirque télévisé de la guerre du Golfe sur les plateaux de La Cinq. Field échangea alors l’enseignement de la philosophie pour un rôle de bouffon dans l’émission de Dechavanne Ciel mon mardi !

Pour rattraper son retard, Field s’emploie à annuler sa jeunesse en faisant commerce de celle des autres. PLPL a relu Contes cruels pour Anaëlle (1995). Field y explique à sa pauvre fille que la révolution, c’était bien avant, avant que papa ne prenne des responsabilités et ne gagne beaucoup de sous pour acheter une grosse auto. L’auto, ce sera un cabriolet Mercedes 320 : Field roule à tombeau ouvert pour barboter plus vite dans sa piscine du Lubéron.

En pleine torpeur balladurienne, France 2 programme une émission-défouloir destinée à calmer les étudiants échaudés par le projet d’un Smic-jeune. Le directeur de l’antenne, Louis Bériot, se souvient : « Il fallait un jeune, de gauche, et philosophe de surcroît, pour parler avec les jeunes et avoir une certaine crédibilité ». Ex-jeune, ex-militant, ex-prof : Field est l’hameçon idéal. Jean-Luc Mano, renégat du PC et alors directeur de l’information de France 2 expliquera : « Nous avons joué le rôle de la soupape de sécurité. Les gens intelligents l’ont bien compris. »

      
Michel Field
à Alain Madelin :
« Tu seras le prochain
ministre des finances. »

      

Dès lors Field-la-soupape se mue en poupon docile rampant de chaîne en chaîne au gré des opportunités cathodiques. Quand Jacques Chirac, lassé d’Alain Duhamel, claque des doigts en quête d’un intervieweur moins vermoulu, Michel se love en bavoir autour du cou présidentiel (12/12/96). Contre 30 000 francs — « bruts », regrettera-t-il.

TF1 le siffle, il accourt ventre à terre pour « jeunir » l’émission politique du dimanche soir et remplacer Anne Sinclair. Servir Bouygues ? C’est pour Field une cause d’utilité publique : « Il est démocratiquement malsain que les jeunes aient carrément zappé cette chaîne de leur télécommande. Si je peux servir à pacifier cette mauvaise image, tant mieux » (Libé, 6/9/97).

En 1997, Michel crée son entreprise. Il la baptise sobrement « La Field Compagnie ». Elle sera chargée de commercialiser un produit de rêve : Michel Field, animateur « citoyen », parlant le « jeune » et sachant lire. « Je suis là pour faire de l’audience », explique-t-il. Pour faire de l’audience, il n’hésite pas : il tutoie Nicolas Sarkozy, cire les souliers de son copain Alain Madelin — « Tu seras le prochain ministre des finances ».

Alain Constant, journaliste du Monde, s’esbaudit d’une telle intrépidité. Mais il s’inquiète de ce que les détracteurs de Field « ne voient en lui qu’un "social traître" obsédé par l’argent » (5-6/12/99). Pour PLPL, il ne fait aucun doute qu’en rédigeant ces lignes, Constant ressentait sur sa nuque le souffle fétide de son patron, le gros fumeur de cigares Edwy Plenel, lui aussi ancien trotskiste, mais passé de la LCR à la LCI (lire page 8 « Edwy Plenel roi du téléachat »).

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Philippe Val n’est féroce qu’avec ses salariés
C
’est la déception hebdomadaire, le non-événement du mercredi (NEM). Les colères acides de Charlie Hebdo avaient gonflé les voiles de la contestation ; les pets coulis de son rédacteur en chef Philippe Val chloroforment les lecteurs. Dépliant publicitaire de Daniel Cohn-Bendit durant les élections européennes, puis de l’OTAN lors de la guerre du Kosovo, cette publication supposée sans dieu ni maître a fini par exhiber comme un trophée les compliments d’une ministre en exercice. Libération en 1981, Le Monde en 1995 : les nouvelle formules officialisent les reniements ; Charlie Hebdo a inauguré la sienne en janvier dernier. Elle est calamiteuse. Interviews de professeurs à Science Po ou de Charles Pasqua, reportages paresseux, chroniques politiques indigentes puisque rédigées par un journaliste de Libération, la lecture de Charlie est aussi captivante qu’un tunnel publicitaire de TF1.

Philippe Val, rédacteur en chef du NEM, est l’architecte de ce retournement. Chaque semaine, piétinant les plates-bandes d’Alain Duhamel et de Luc Ferry, il administre un aide-mémoire de morale politique pour école élémentaire. S’y précipitent les figures imposées de la mondanité éditoriale : odes à la démocratie, défense du jospinisme, sermon contre les extrémistes.

La tête de Philippe Val a enflé par la mâchoire. L’amuseur est devenu un « dictateur cool », confesse Tignous. Cool avec certains membres de sa rédaction — de sa cour —, mielleux avec le lecteur à qui il inflige ses souvenirs d’enfance. Mais Philippe rectifie à la baguette les journalistes de Charlie qui baillent devant ses platitudes. Susceptible, il supprime la rubrique « Les Mondains » du dessinateur Luz : PLPL sait aujourd’hui qu’il tremblait d’y figurer. Autocrate, il épure l’encadré administratif situé en page 14 du journal : la plupart des membres de la rédaction collégiale n’y sont plus (Charb, Luz, Cyran, Siné, Biard, Boujut, Cholet, Lapin, Polac, etc.) Seuls les petits chefs qui fredonnent ses chansons y sont désormais tolérés.

Égratigné dans un article du Monde, il somme la rédaction de Charlie de signer une lettre qu’il a rédigée seul. Philippe Val s’indigne des « accusations contre Philippe Val » et chante (faux, comme d’habitude) ses propres mérites (Le Monde, 28 mars 2000). Il n’est d’ailleurs pas interdit aux journalistes du NEM de célébrer le génie du patron (qui accorde les augmentations). C’est même recommandé. Dans Charlie Hebdo du 3 mai dernier, la rubrique scientifique s’ouvrait ainsi : « La semaine dernière, Val écrivait : "Nous pensons tous sur une pente abrupte qui nous fait glisser où va la pente". » La citation (géniale) une fois conclue, l’auteur enchaînait : « J’ai dans les mains un livre qui, dès les premières pages, me renvoie à la lucidité de Val. »

Philippe a été galvanisé par la lecture du Petit livre rouge. Elle lui a révélé les avantages de l’autocritique — mais faite par les autres. Il croit nécessaire d’annoncer en « une » la lettre de repentir écrite du fond d’un cachot par son ancien compagnon de spectacle Patrick Font : « J’ai trompé l’amitié, la confiance de Philippe. […] Je jure sur ma tête qu’il ignorait tout de ma vie privée. […] J’ai pris, seul, la décision de transmettre ce message au journal » (16/6/99) Quelques années plus tôt, la « confiance » était totale. La couverture d’un ouvrage co-écrit par les deux amis expliquait en effet : « Chacun se demande comment, après 22 ans de "mariage", ces deux irrévérencieux ont encore du plaisir à être ensemble. Duo explosif, totale complicité, complémentarité : voilà quelques-uns des secrets de leur réussite. »

      
Philippe Val
« Celui qui n’est pas une
petite grand-mère à bout de force, allongée dans la boue en travers du chemin n’a rien compris au monde. »

      

Est-ce un autre souvenir d’adolescence ? Val s’aventure parfois à dénoncer les excès du capitalisme. Mais il se ravise : « Il ne peut y avoir de démocratie sans marché. » (12/4/2000) Et lorsque, cédant pour une fois aux supplications de sa rédaction, Val se résigne à critiquer le patronat, il protège systématiquement Martine Aubry et les autres ministres délégués par le MEDEF au sein du gouvernement socialiste. Élaborés au cours de besogneux soupers avec son ami Laurent (Joffrin), les stratagèmes de Philippe (Val) ont ébloui Bernard-Henri (Lévy). Ainsi, quand le 20 janvier 1999 Val signe un éditorial « Pour l’indépendance du Kosovo », BHL riposte trois jours plus tard avec un « bloc-notes » du Point titré : « Pour l’indépendance du Kosovo ». Val est excédé : « Laisser le monopole de l’éthique à B-HL relève de l’aveuglement » (NEM, 19 mai 99). La concurrence devient sauvage : au cours de la campagne européenne, les deux larrons s’affrontent à coup d’éloges pour Dany le vert-kaki, grand ami de François (Bayrou) et d’Alain (Madelin).

Comme tous les esprits un peu limités, Val révère la « complexité » : « Un intellectuel qui pense que le monde est simple manifeste son abandon du débat d’idées pour l’adhésion à une idéologie » (7 juillet 1999). Abandonner le débat d’« idées » ? Mais ce serait renoncer aux analyses subtiles par lesquelles Val justifia la guerre de l’OTAN au Kosovo : « Aujourd’hui, celui qui n’est pas, ne serait-ce qu’une seconde, une petite grand-mère à bout de force, allongée dans la boue en travers du chemin, celui-là n’a rien compris au monde qui l’entoure » (NEM, 19 mai 1999).

Une telle fulgurance devait susciter la vénération des Inrockuptibles, journal qui partage avec Val cette conception éclairée du peuple : « ploucs humains obtus, rendus courageux par la vinasse ou la bière locale qui leur gargouille dans le bide » (NEM, 14 juin 2000). Les Inrocks viennent de distinguer en Val « le meilleur éditorialiste de France ». Ils publient à jet continu ses homélies les plus émouvantes. Un journaliste-fan se pâme : « La lecture de Philippe Val nous est précieuse dans ce qu’elle mêle la clairvoyance, l’érudition et la distraction. C’est peu dire qu’elle rend moins con. » C’est peu dire, en effet…

Vive la pensée Val-Tsé-toung !

Vive le NEM !