Acte premier
Le Parti de la Presse et de l'Argent mord à l'hameçon

Dimanche 11 juillet 2004 : « France Inter, il est 5 heures… »

« L'actualité avec Pierre-Jean Pluvi. […] Une jeune femme a été violemment agressée alors qu'elle se trouvait avec son bébé de 13 mois dans le RER D. ça c'est passé vendredi matin. Six jeunes âgés de 15 à 20 ans l'ont bousculée en montant dans le train, ils lui ont arraché son sac, y ont trouvé un document avec une adresse dans le 16e arrondissement de Paris, son ancienne adresse en fait. “Dans le 16e, il n'y a que des juifs”, lui ont lancé les jeunes, d'origine maghrébine. Ils lui ont ensuite dessiné des croix gammées sur le ventre avec un feutre avant de lui couper les cheveux.

Les jeunes ont pris la fuite, renversant au passage la poussette dans laquelle se trouvait le bébé. Dans le train personne n'est venu en aide à la jeune femme. Le président de la République a exprimé son effroi. »

 

Sur Europe 1, il est 5 heures 30

Europe 1, dimanche 11 juillet 2004, 5 h 30 : « Une agression particulièrement sauvage s'est déroulée vendredi matin en région parisienne. Six hommes s'en sont pris à une jeune femme de 23 ans dans le RER D entre Louvres et Sarcelles dans le Val-d'Oise, parce qu'ils la pensaient juive […]  ».

 

« Vous écoutez France Inter, il est 6 heures… »

« Et un point sur l'actualité avec Pierre-Jean Pluvi. Jacques Chirac a fait part de son effroi après l'agression dont a été victime une jeune femme dans le RER D. Ca c'est passé vendredi matin. […] » (Dimanche 11 juillet 2004)

 

Sur Europe 1 en revanche…

« Une agression antisémite dans le RER D entre Louvres et Sarcelles dans le Val-d'Oise. Six hommes d'origine maghrébine ont agressé une jeune femme de 23 ans parce qu'il la croyaient juive.[…] » (Flash de 6 h 00, dimanche 11 juillet 2004)

« France Inter, il est 7 heures »

« Le journal est présenté par Bernadette Chamonaz. »

Bernadette : « Bonjour. Une effroyable agression antisémite dans une rame RER près de Sarcelles. Vendredi, six hommes d'origine maghrébine, ont lacéré les vêtements d'une jeune mère […] ».

[S’ensuit un long reportage, puis Bernadette reprend l’antenne]

Bernadette : « Le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, a donné des instructions aux policiers pour qu'ils retrouvent très vite les auteurs de cette agression ignoble. Son ministère a recensé 135 actes antisémites au cours du 1e trimestre de cette année 2004, un chiffre qui est supérieur à la totalité de ceux commis l'an dernier. »

[Dimanche 11 juillet 2004]

Europe 1 : « Il est huit heures. Le journal, Jérôme Chapuis. »

« L'agression antisémite d'une jeune mère de famille vendredi dans le RER près de Paris. Six voyous lui ont coupé les cheveux et dessiné des croix gammées sur la peau parce qu'ils la croyaient juive ». (Dimanche 11 juillet 2004)

« Vous écoutez France Inter, il est 8 heures 30… »

« … La revue de presse est présentée par Clotilde Dumetz. […]

« Cette affaire n'a été connue qu'hier soir. Du coup vos journaux, ce matin, n'ont pas pu vraiment la développer, “ignoble agression dans le RER D”, titre Le Parisien ; “Une effroyable agression antisémite” en « une » du Journal du dimanche. Mais en pages intérieures, à chaque fois, guère plus que les faits bruts : une jeune femme et son bébé molestés par six voyous vendredi dans le RER au nord de Paris, ils lui coupent les cheveux, la marquent de croix gammées au feutre noir sur le ventre. Ils croyaient qu'elle était juive. Les deux journaux signalent qu'il y avait d'autres personnes dans le RER, des témoins qui ont assisté à la scène sans intervenir. Le JDD qui rappelle les propos de Jacques Chirac vendredi matin, tiens, coïncidence de dates : “Face aux risques de l'indifférence et de la passivité du quotidien, j'appelle solennellement chaque Français à la vigilance” ».

[Dimanche 11 juillet 2004]

***Commentaire PLPL*** PLPL n’est pas exposé aux risques de l’indifférence et de la passivité. Dans la salle des machines de la Sardonie, les magnétophones tournent sans relâche ; sous sa couette, PLPL rêve d’un monde débarrassé du PPA. Pendant ce temps, la journaliste de France Inter s’indigne que les publications dominicales ne contiennent « guère plus que les faits bruts » [sic] et n’aient pas eu le temps d’inventer des détails encore plus croustillants.

Sirotant son café en parcourant le Journal du Dimanche, PLPL constate que le sous-titre figurant à la « une » du JDD indique « Une jeune femme et son bébé molestés par six voyous dans le RER B au Nord de Paris » (11 juillet 2004), une erreur que la revue de presse de France Inter n’a pas cru bon de relever. En somme, l’un des hebdos de Lagardère se révèle incapable de mentir correctement.

Relayée en boucle sur France Info, la pluie de calembredaines tourne bientôt à l’averse…

Sur TF1, le fait divers imaginaire fait l’ouverture du JT dès dimanche midi

TF1- 13 heures, dimanche 11 juillet 2004.

Claire Chazal : « Madame, monsieur, bonjour. Dans l’actualité de ce dimanche une agression antisémite dans le RER. Six hommes armés de couteaux s’en sont pris à une jeune femme vendredi matin. Jacques Chirac a exprimé son effroi et réclame la vérité. […] L’agression s’est produite vendredi matin dans le RER D. Six hommes armés de couteaux s’en sont pris violemment à une jeune femme accompagnée d’un bébé. La croyant juive, ils ont dessiné des croix gammées sur son corps et ont lacéré ses vêtements. La police judiciaire de Versailles a été saisie de l’affaire. Le récit de Guillaume Hennette et James André. »

[reportage]

« C’est dans cette gare que les agresseurs sont montés dans le RER. Ils sont six, âgés de quinze à vingt ans selon des témoins. Ils sont six et ils vont s’en prendre à une jeune femme. [S’ensuit une longue série de précisions farfelues et de micro-trottoirs d’usagers du RER…] L’agression a duré moins de 10 minutes. Quand ils prennent la fuite, les agresseurs renversent la poussette de la victime et font tomber son bébé. La police espère que les caméras de surveillance leur permettront d’identifier les six jeunes garçons. La jeune femme, elle, a porté plainte au commissariat. Elle a passé une visite médicale judiciaire. Elle n’est pas blessée mais sous le choc. Les médecins lui ont délivré un arrêt de travail de dix jours. »

Claire Chazal : « Et Jacques Chirac a exprimé son effroi après cette agression et a demandé que les auteurs de cet acte odieux, je le cite, “soient retrouvés, jugés et condamnés avec toute la sévérité qui s’impose.” Dominique de Villepin condamne lui aussi cette agression ignoble. »

2’ 30’’

***Commentaire PLPL*** Aucun conditionnel, aucune mise à distance, aucune vérification de l’information : les médias mentent. Soucieux de pimenter leur récit, les journalistes de TF1 ont même inventé des « témoins », ceux-là même que les dizaines de policiers lancés sur la piste des agresseurs ne parviendront jamais à trouver – et pour cause.

Sur France 2, le service public fait entendre sa différence

France 2- 3 h, dimanche 11 juillet 2004.

Béatrice Schönberg  [Mme Jean-Louis Borloo] : « Madame, monsieur, bonjour. Commençons ce journal par cette terrible agression antisémite dans un RER. Une jeune femme a été prise à partie par six hommes armés de couteaux, ils la croyaient juive. Après l’avoir molestée, ils ont dessiné des croix gammées sur son ventre. Jacques Chirac fait part de son effroi et demande que tout soit fait pour punir les agresseurs. Aurélia Guillemin, Benoît Bringer [orth] ».

[reportage]

« C’était l’heure de pointe, dans le RER D. À la station Louvres, six jeunes hommes armés d’un couteau montent dans la rame et s’en prennent à une jeune femme qui se trouvait là avec son bébé. En lui extorquant ses papiers d’identité, les agresseurs découvrent que leur victime a résidé dans le 16e arrondissement de Paris. Ils en déduisent qu’elle est juive, lacèrent ses vêtements, lui coupent les cheveux et dessinent sur son ventre trois croix gammées à l’encre noire. [ITW d’André Scemama, secrétaire général du bureau national de vigilance contre l’antisémitisme] : “On s’est attaqué d’abord à cette jeune femme pour des raisons X ou Y. Ensuite les agresseurs ont cru qu’elle était juive, et ils ont redoublé d’intensité. Ce qui est encore plus horrible, plus atroce, plus abject.” Cette agression est intervenue vendredi matin, au lendemain de la visite de Jacques Chirac au Chambon-sur-Lignon. Le président avait appelé à un sursaut républicain face à la montée des actes racistes et antisémites. Ce matin, le Conseil représentatif des institutions juives de France regrette que ces propos n’aient pas eu plus d’impact sur la population. [ITW d’Ariel Goldman, Conseil représentatif des institutions juives de France] : “Il est tout à fait anormal que personne n’ait bougé pour aider cette malheureuse victime. Il semblerait qu’il y avait plusieurs personnes assises dans ce RER. On est là face à la lâcheté, à la bêtise. Et non seulement à la lâcheté des auteurs, mais à la lâcheté de tous ceux qui assistent à ce genre d’acte sans bouger.” La victime, qui n’est pas de confession juive, a été entendue par la police mais elle n’a pas pu identifier ses agresseurs. Ils ont pris la fuite vers Sarcelles, et sont pour l’instant toujours introuvables. »

Mme Borloo [Béatrice Schönberg ] : « Condamnation unanime de la classe politique. Je vous propose d’écouter le président de l’Assemblée nationale qui s’exprimait au nom de tous les députés. Réaction également d’Élisabeth Guigou. Chacun évoque l’indignation que suscite de tels actes. Le PS appelle à la mobilisation politique et citoyenne pour faire reculer l’antisémitisme. Nous écoutons Jean-Louis Debré à l’Assemblée nationale et Élisabeth Guigou au micro de Radio J. […] »

***Commentaire PLPL*** Aucun conditionnel, aucune mise à distance, aucune vérification de l’information : les médias mentent. France 2 est aussi malfaisante que TF1.

Le dimanche soir, TF1 double le temps d’antenne consacré à l’information bidon

TF1-20 heures, 11 juillet 2004.

Claire Chazal : « Madame, monsieur, bonsoir. Dans l’actualité de ce dimanche une vive émotion après l’agression d’une jeune femme et de son bébé dans le RER. Six hommes armés de couteaux s’en sont pris violemment à elle en proférant semble-t-il des insultes antisémites. La mère a porté plainte et les agresseurs sont recherchés. Toute la classe politique a dit son indignation et son effroi. […] »

[reportage]

« Vendredi matin. Il est environ 9 heures quand le RER quitte la gare de Louvres. À son bord, Marie, une jeune mère de 23 ans et son bébé de 13 mois. Encombrée par sa poussette, elle voyage près de la porte au pied de l’escalier. C’est de là que seraient venus ses agresseurs, six individus, qui en veulent avant tout à son argent. Il lui arrachent son sac a dos, y découvrent 200 euros, une carte bancaire et des papiers d’identité. C’est à ce moment qu’une trop banale agression tourne à la violence antisémite. La jeune femme a une adresse dans le 16e arrondissement de Paris, elle est forcément juive, car il n’y a que des juifs dans le 16e, explique l’un des malfaiteurs. La suite, racontée aux policiers par Marie est un cauchemar. Ses vêtements auraient été lacérés, ses cheveux coupés, et trois croix gammées dessinées au feutre sur son ventre. Enfin, avant de s’enfuir en gare de Sarcelles, les agresseurs auraient renversé sa poussette, faisant tomber le bébé à terre. Une vingtaine de voyageurs étaient présents. Tout s’est passé en moins de dix minutes. Personne n’aurait tenté de lui porter secours avant le départ des agresseurs. [ITW Nicole Guedj, secrétaire d’État aux droits des victimes] : “Elle était très choquée de ce qui lui était arrivée, évidemment, puisqu’elle a été victime d’une agression dans des conditions qu’elle n’a pas comprises, bien sûr, qu’elle l’a été en présence d’un bébé dans une poussette, et qu’elle l’a été, selon ses dires, en présence d’un certain nombre de témoins qui ne lui ont pas porté secours.” Marie se rend ensuite au commissariat d’Aubervilliers en milieu de matinée mais sa plainte ne sera enregistrée que dans l’après midi, après une visite obligatoire dans une unité médico-judiciaire. On lui délivre un arrêt de travail de 10 jours. Depuis, elle a été entendue deux fois par les enquêteurs de la police judiciaire, hier après-midi et aujourd’hui. Rien ne permet de mettre en doute ses dires. Les policiers comptent beaucoup sur la vidéo-surveillance enregistrée sur le quai car pour l’instant ils n’ont retrouvé aucun des témoins de la scène. »

Claire Chazal [à qui Jean-Pierre Raffarin en personne a remis la légion d’honneur au début de l’année] : Et c’est Jacques Chirac qui a réagi le premier en exprimant son effroi et en demandant que les auteurs de ces actes odieux soient retrouvés et condamnés avec toute la sévérité qui s’impose. Condamnation aussi de la part de Dominique de Villepin, le ministre de l’Intérieur, d’Alain Juppé ou d’Élisabeth Guigou, pour le parti socialiste, qui propose la création d’un conseil de lutte contre les actes antisémites. Jean-Paul Huchon, PS lui aussi, a appelé l’ensemble des élus franciliens à se rassembler demain au Conseil régional. Isabelle Thorre, Jean-François Drouillet ».

[Reportage]

« Cette agression intervient au lendemain de l’appel du président de la République au sursaut républicain contre les violences racistes d’où qu’elles viennent. Jacques Chirac fut d’ailleurs l’un des premiers à réagir hier soir. Dans un communiqué, le président fait part de son effroi et réclame la sévérité qui s’impose. Une indignation relayée ce matin par le président de l’Assemblée nationale [Jean-Louis Debré] : “Ce qui est visé, c’est l’âme de notre pays et sa tradition. C’est la France qui est visée à travers ces actes ignobles. Puissions-nous tous, tous, nous retrouver dans la lutte contre le racisme, la xénophobie, et l’antisémitisme.” À gauche comme à droite, la condamnation bien sûr est unanime, et chacun cherche aussi une réponse politique. [Hervé Morin, président du groupe UDF à l’Assemblée nationale] : “C’est la conséquence d’individus qui n’ont plus aucun repère. Et qui n’ont plus les repères éducatifs, qui n’ont eu globalement aucun enseignement sur la tolérance, sur la laïcité, sur le respect des autres. Et ce sont des personnes qui sont à l’abandon. Voilà la réalité.” [ITW Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France] : “Il faut surtout un sursaut citoyen. Ce qui n’est pas admissible, c’est que des gens dans le wagon aient assisté à ça sans réagir. Il faut donc que les élus, les politiques eux-mêmes, prennent leurs responsabilités. Et c’est la raison pour laquelle, demain, à la région, j’organise à 18 heures une grande réunion de tous les élus d’Ile-de-France, à quelque assemblée qu’ils appartiennent, et tous partis confondus.” [ITW d’un porte-parole de la LICRA] : “Être juif aujourd’hui en France, c’est devenu une circonstance aggravante”. Vendredi dernier à Matignon, lors d’une réunion sur le racisme, le premier ministre a annoncé pour septembre une série de mesures concrètes. »

***Commentaire PLPL*** Alors qu’à 13 heures, la fausse agression du RER avait occupé 2 minutes et 30 secondes en ouverture du journal, l’édition du 20 heures consacre 4’ 46’’ à « l’affaire ». Pour la rédaction, il est inutile de vérifier les assertions de l’affabulatrice car « rien ne permet de mettre en doute ses dires ». Mais, sentant le vent tourner, TF1 commence à introduire ici et là quelques conditionnels. Dans la hiérarchie des pratiques journalistique, le mensonge au conditionnel est un exercice presque aussi prisé que le mensonge à l’indicatif. À noter que Claire Chazal (auteure d’une biographie d’Édouard Balladur sidérante de médiocrité) paraît féliciter le président de la République lorsqu’elle déclare : « Et c’est Jacques Chirac qui a réagi le premier en exprimant son effroi ». Le détail a son importance. Dans moins de 48 heures, cette célérité lui sera reprochée par la presse qui ment.

Enfin, la thématique de la lâcheté des voyageurs émerge comme le principal angle de vision médiatique.

Sur France 2, le récent faux scoop de Pujadas-Mazerolle n’a pas incité l’équipe Schönberg-Chabot à la prudence…

France 2-20 heures, dimanche 11 juillet 2004

Béatrice Schönberg [Mme Borloo] ouvre son journal : « Agression antisémite dans le RER. Une jeune femme prise à partie sous les yeux des autres voyageurs qui n’ont pas bougé. Un acte infâme qui suscite la condamnation de toute la classe politique. Appel à un sursaut républicain contre toute forme de racisme. […] »

« Madame, monsieur, bonsoir. Premier titre de ce journal qui suscite unanimement la révolte, l’effroi et l’indignation. Une jeune femme dans un RER a été agressée par six hommes parce qu’ils la croyaient juive. Après l’avoir molestée, ils ont dessiné des croix gammées sur son ventre. C’était vendredi matin à une heure d’affluence, personne n’a bougé. Jacques Chirac demande que tout soit fait pour punir les agresseurs de cet acte [sic] honteux avec toute la sévérité qui s’impose. Des agresseurs qui sont toujours en fuite à l’heure actuelle. Aurélia Guillemin, Sébastien Lafargue [orth]. »

[Reportage…]

Béatrice Schonberg [Mme Borloo]: « Les réactions se sont multipliées tout au long de la journée avec la même tonalité. L’effarement devant une telle barbarie. Une agression ignoble, lourde de symboles, qui doit susciter en France un véritable sursaut civique, venant ainsi en écho à l’appel lancé par le chef de l’État, vendredi dernier, contre les actes racistes et antisémites dans le pays. Des rassemblements seront organisés demain en signe de protestation. Jean-Baptiste Prédali. »

[reportage]

« Tôt ce matin à l’Assemblée nationale, le débat sur l’assurance maladie s’est interrompu un moment pour dénoncer l’agression du RER D. Le gouvernement d’abord, par la voix de Philippe Douste-Blazy […]. Tous les groupes politiques ont fait part de leur indignation, avant Jean-Louis Debré, au nom de tous. […] Indignation à l’Assemblée nationale et, toute la journée, de la droite à la gauche, des réactions et des prises de position. [ITW de Guigou …] Le président de la région Ile-de-France appelle tous les élus à se rassembler demain. En attendant, il évoque les heures noires de la guerre. [Jean-Paul Huchon] : “La France est quand même l’un des rares pays d’Europe qui ait donné des enfants à déporter aux Allemands.

- Et ça implique quoi selon vous aujourd’hui ?

- C’est cette passivité, cette complicité, cette peur du plus fort, etc.”

Jeudi le président de la République appelait au sursaut contre la montée de l’intolérance. Discours solennel dans un lieu symbole, le refuge d’enfants juifs pendant la guerre. Vendredi, un comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme dressait un bilan : il y a eu plus d’actes racistes en France durant les six premiers mois de l’année que durant toute l’année 2003. La réunion se déroulait à l’heure même de l’agression du RER D. »

***Commentaire PLPL*** Jean-Paul Huchon assimile les usagers des transports en commun aux miliciens français pro-nazis de la Deuxième guerre mondiale. Quand l’imposture se dégonflera, l’élu du peuple n’aura pas un mot d’excuse. De son côté, l’ancien militant d’extrême droite Claude Goasguen, député UMP du 16e arrondissement, bondit sur l’occasion de stigmatiser les anticapitalistes et de saluer les tankistes du général Sharon en expliquant que « dans cet acte épouvantable, il y a un mélange de racisme social, d'antisémitisme et d'antisionisme. » Mieux : « le mélange d'anticapitalisme et d'antisémitisme rappelle furieusement un passé tragique et honteux de la France. Il est grand temps que les pouvoirs publics prennent conscience que dans la politique du Moyen-Orient, Israël n'est pas forcément le coupable de tous les maux. Tous ceux qui en sont conscients doivent modérer leur discours sur Israël » (11 juillet, cité par nouvelobs.com, 13 juillet 2004). Ni l’un, ni l’autre n’auront le « courage » de présenter leur démission. Le 11 juillet, Noël Mamère s’était également distingué en affirmant : « les nazis de banlieue défient la France » (cité par Libération, 14.7.04).

Lundi matin, RTL annonce la couleur

Revue de presse de Jean-Yves Chaperon, « C'est dans le journal », lundi 12 juillet 2004.

« Quelques premières pages, pour commencer : “La train de la haine”, à la une du Figaro, “Le défi barbare”, dans le Journal du Centre, “Ignoble et idiot”, pour France-Soir, “L'intolérable”, pour l'Est Républicain. “Antisémitisme. L'écœurement”, c'est La Provence, “La Barbarie banalisée”, à la une du Républicain Lorrain, etc. […]

- Si l'on peut dire, les commentaires sur les commentaires

- Oui, et ça tranche un peu, parce que plusieurs éditorialistes ce matin, s'interrogent sur le sens de l'indignation unanime entendue chez les politiques depuis ce week-end, après cette affaire. Pour résumer et être clair, disons que l'indignation est nécessaire, mais pas suffisante. C'est Jean-Claude Arbona, dans la Nouvelle République du Centre, qui écrit ceci, par exemple : “Il convient, tant du côté politique, que médiatique, de manifester une grande prudence dans l'utilisation de la langue de bois offusquée”. Comme en écho, Pierre Taribo écrit dans l'Est Républicain qu'“aujourd'hui, l'indignation ne suffit pas”, ajoutant que “La vérité, c'est que personne ne voit ou n'ose admettre l'état de notre société impuissante à traiter le problème de l'immigration, du chômage et de la perte de tout repère dans les cités chaudes menacées par la malédiction des ghettos”. Pour Philippe Waucampt, dans le Républicain Lorrain, “De telles réactions témoignent de l'impuissance des élites à ne réagir autrement que par des propos convenus”. Et “L'indignation soulevée par cette nouvelle manifestation de la haine ordinaire est le signe, néanmoins, d'une prise de conscience de la nécessité pour chacun de ne pas rester inerte”. Enfin, pour Jacques Camus, dans la République du Centre, cette “abjecte agression”, selon ses termes, “démontre combien l'intervention élyséenne la semaine dernière au Chambon-sur-Lignon se justifiait”. Mais, je cite, “elle souligne aussi combien cette intervention était insuffisante”. Et Camus d'en déduire que “Voilà désormais Jacques Chirac pris aux mots. Il va falloir que les pouvoirs publics agissent pour retrouver les coupables et les sanctionnent exemplairement. La surenchère dans les déclarations d'indignation ne saurait suffire” ».

***Commentaire PLPL*** Ce que déplore le Parti de la Presse et de l’Argent, ce n’est pas le manque de prudence mais le manque de poigne des élus. Non pas leur précipitation mais leur « impuissance ». Tous paraissent presque regretter que Jacques Chirac n’ait pas réclamé le rétablissement de la peine de mort.

Télématin vous ment au sortir du lit

France 2, Télématin, 8 heures, lundi 12 juillet 2004

Olivier Galzi. Ouverture. « Bonjour à vous. Les agresseurs du RER courent toujours ce matin. La justice a lancé un appel à témoin. Mais la difficulté principale, c’est que ces mêmes témoins sont aussi ceux qui n’ont pas réagi pendant l’agression. La victime, je vous le rappelle, est un jeune femme qui voyageait avec un bébé de 13 mois. Maud Ninauve. [orth]

[Reportage]

« Quand Marie, 23 ans, s’est faite agresser vendredi matin, personne n’est intervenu. Il aurait suffi pourtant d’un coup de téléphone discret à la police, de s’arrêter dans une gare pour prévenir les secours, ou tout simplement de tirer la sonnette d’alarme. Mais pas de témoin, donc, et le signalement donné par Marie, samedi, était vague. Six jeunes hommes d’origine maghrébine et africaine. Elle a surtout vu leurs baskets. Seules les caméras placées en gare serviront aux enquêteurs. [ITW Franck Carabin, syndicat Synergies ] : “On ne peut pas mettre des policiers dans chaque wagon. Il y a déjà 1200 fonctionnaires de police qui s’occupent de la police des transports. Il y a actuellement des caméras de vidéo surveillance sur les quais. Il va falloir qu’on ait des caméras de vidéo surveillance à l’intérieur des wagons.” Le parquet de Cergy lance donc un appel à témoin au 01 39 24 71 93. L’agression a duré un quart d’heure. Chaque détail compte. Hier, deux témoins se sont présentés à la police ».

Olivier Galzi : « Oui, à noter que deux manifestations auront lieu aujourd’hui pour dénoncer cette agression : l’une à l’appel du Parti communiste qui démarrera à 18 heures au métro Belleville à Paris ; et l’autre à la même heure organisée par les élus franciliens devant le conseil régional. Son président Jean-Paul Huchon en appelle à un sursaut civique et citoyen. »

1’ 37 / 11’ 42’’

*** Commentaire PLPL*** Le service « public » qui court après le privé a désigné en exclusivité les coupables de l’agression imaginaire : les Maghrébins et les Africains. La conclusion s’impose : il faut surveiller et punir. Il faudrait plutôt que les détenteurs de cartes de presse soient aussi de temps en temps munis d’un cerveau…

Une information inédite d’Europe 1

« Il est 8 h 32, l'actualité de ce lundi. Un appel a témoin a été lancé après l'agression d'une jeune femme par six voyous dans le RER D […] ». (Europe 1, lundi 12 juillet 2004)

Le Figaro enquête dans le « train de la haine »

Le Figaro du 12 juillet 2004 titre : « Le train de la haine » : « À la lâcheté des voyous antisémites a répondu la lâcheté des passagers du RER D ». Marie-Estelle Pech, journaliste, a effectué une enquête fouillée dans le RER D. Son reportage intitulé « Vols, bagarres et racket au quotidien » sera bientôt enseigné comme un modèle d’investigation au Centre de formation des journalistes : « À l’intérieur du train, des mères africaines tiennent leurs enfants, quelques vieux Maghrébins lisent le journal, et trois adolescents s’affichent bruyamment avec leur portable dernier cri, les pieds sur les fauteuils d’où personne n’ose les déloger [surtout pas Marie-Estelle Pech]. Dans la rame, chacun a une histoire d’agression en tête. Des vols de portables, d’ordinateurs, de blousons, des agressions verbales, des bagarres et des rackets. À en croire les usagers, c’est monnaie courante. »

Les déhanchements d’Alain-Gérard Slama

Dans Le Figaro du 12 juillet 2004, Alain Gérard Slama rebondit sur le fait divers du RER pour enfourcher son cheval de bataille favori : la lutte contre la « francophobie »  qu’il impute aux immigrés : « L’atroce agression d’une Française traitée de “sale juive” dans un RER de la région parisienne vient de donner la mesure de cette dérive ». Au terme d’une longue contorsion, Slama assène : « On soulignait naguère le lien étroit qui, par haine de l’argent et du cosmopolitisme, a longtemps apparenté l’antisémitisme à l’antiaméricanisme. Aujourd’hui, au nom du même rejet de la liberté de l’individu et de ses valeurs universelles, l’antisémitisme est devenu l’autre nom de la francophobie. »

***Commentaire PLPL*** Alain-Gérard Slama ment au carré. Comme le Journal du dimanche, il renchérit sur les affabulations de la prétendue victime qui n’a pas déclaré avoir été traitée de « sale juive ».

Pour Georges Suffert, du Figaro, « il faut punir plus »

« Il faut punir plus », c’est titre de l’éditorial du Figaro du lundi 12 juillet 2004 :

« Les agresseurs du RER sont, semble-t-il, des adolescents, c’est-à-dire des enfants. Ils se sont jetés sur une jeune femme parce qu’elle était en face d’eux, parce que la violence les fascine, parce qu’ils se considèrent comme des militants de quelque Hamas, c’est-à-dire la forme la plus moderne de l’antisémitisme. Nous sommes à des années-lumière de Maurras et de Céline.

N’empêche. L’événement – qui s’inscrit dans une longue liste de secousses comparables – est révélateur. Les petits-enfants du Maghreb veulent participer à leur manière à la lutte des Palestiniens. La voyageuse du RER a soudain incarné l’ensemble des Israéliens. La haine est en train de franchir la Méditerranée.

Que dire des passagers du wagon ? Ils ont assisté à la scène et regardé ailleurs. Pas un n’a bougé. Pas un n’a eu le courage minimum : celui de tirer le signal d’alarme. Leur silence est terrifiant. Comme si la société française ne voulait pas savoir ce qui se passe sous ses yeux. Question : les voyageurs du RER avaient-ils peur ? Craignaient-ils de voir surgir quelque couteau dissimulé à la ceinture ? Bien sûr, le risque existait. Et après ? Veut-on encore une fois se comporter comme des agneaux aveugles ?

Lorsque le président de la République avoue que cet attentat l’“effraie”, il a raison. La prolifération de ce type de violence a quelque chose de sidérant. L’incapacité où nous sommes de stopper cette dérive, l’impuissance de la police qui paraît incapable de retrouver les coupables, l’indifférence apparente de nos compatriotes, tout cela fait froid dans le dos.

Pourtant le problème n’est pas insoluble. Nos équipes de “petits durs du RER” ne sont pas constituées d’hommes invisibles. Ils doivent bien être connus par les policiers de leur lieu de résidence ; les voyageurs du fameux wagon devraient pouvoir décrire ces malfrats ordinaires ; la victime elle-même peut contribuer à l’identification de ses agresseurs.

À condition de les punir réellement, si demain on découvre qui ils sont et où ils résident. Or, il est probable que les peines seront dérisoires. Après tout, l’agressée n’est pas morte ; de quoi se plaint-on ? Demain nos violents franchiront peut-être une nouvelle étape. Ils découvriront de vrais juifs – du 16e arrondissement ou d’ailleurs – et leur feront payer cher leur identité.

L’affaire du RER n’est pas secondaire. Elle révèle une fois de plus l’une des maladies endémiques de la société française des années que nous vivons. Inutile de s’en prendre à l’école, aux conditions de vie des Maghrébins, à l’atmosphère des cités. C’est un peu tard. Aujourd’hui il faut tenter d’effrayer les “petits durs”. Cela dépend de la police et des juges. Donc du pouvoir politique. Encore faut-il qu’il sente un appui résolu de l’opinion publique. Nous n’en sommes pas là. Pour le moment, le courage fait défaut. »

Le Parisien détaille ce qui ne s’est pas passé

Dès le 11 juillet 2004, Le Parisien dimanche consacre un article à l’« Agression dans le RER », sous la rubrique « Antisémitisme » : « “DANS LE XVIe, y a que des juifs !” C’est pour avoir habité un temps dans cet arrondissement de Paris qu’une jeune femme de 23 ans a été victime vendredi d’une violente agression à caractère antisémite alors qu’elle voyageait dans le RER D avec son bébé de 13 mois. »

Le lendemain, 12 juillet 2004, la « une » du Parisien sonne comme le glas : « Après l’agression du RER D. Mobilisation contre l’antisémitisme ». Le résumé de la « une » explique : « Cohésion nationale. Même s’il y a encore des zones d’ombre, une quasi-certitude : six voyous ont agressé vendredi dans le RER D, […] ».

Moins affirmative que celle du Figaro (ou du Monde quelques heures plus tard), la « une » du Parisien ouvre sur un « fait du jour » de quatre pleines pages. Les titres des articles donnent une idée de l’épouvantable cauchemar enduré par les lecteurs allergiques au mensonge :

- « La révoltante agression de Marie et de son bébé » : « Une fois encore, une fois de trop, la France se retrouve confrontée à l’ignominie d’une agression antisémite. Une fois encore la France s’indigne mais ne peut que constater les dégâts. […] Et même s’il reste encore quelques zones d’ombre, les faits qui se sont déroulés vendredi matin sur la ligne D du RER sont effrayants. […] Marie n’était pas seule et personne n’a réagi. Deux jours après les faits deux témoins se sont enfin décidé à se présenter aux enquêteurs qui les ont interrogés ».

- « Aucun voyageur ne lui a porté secours » : « […] “La victime réagit avec beaucoup de courage mais reste très choquée par ce qu’elle a vécu”, poursuit Nicole Guedj (la secrétaire d’État au droit des victimes) qui s’est entretenue avec Marie hier au téléphone. »

- « Treize minutes de cauchemar », article dont le grotesque est rehaussé par un schéma du « drame », montrant la position des agresseurs dans la rame de RER.

- « Les gens ne réagissent plus » (témoignages d’usagers)

- « Que faire en cas de violence », etc.

Libération part à la chasse aux « jeunes banlieusards » et aux anticapitalistes

Frétillant d’impatience à l’idée de traiter un faux scoop qu’ils n’ont pas eu l’occasion d’écumer la veille pour cause de repos dominical, les journalistes de Libération se jettent, lundi matin, sur la fausse agression du RER. Le 12 juillet 2004, le quotidien dirigé par Crassus [Serge July] titre sur toute la « une » : « Antisémitisme. Une histoire française ». Le journal des petits bourgeois qui savent prendre des risques (à la Bourse) s’indigne de la lâcheté des passagers du RER : « Violentée devant des passagers passifs », lit-on en titre page 2. Page 3, un intertitre en caractères rouges et gras indique : « Les trois maghrébins et trois africains “taggent, sur son ventre, sous ses seins et jusqu’au pubis, des croix gammées”. Puis taillent dans ses longs cheveux. »

Comme sur TF1 et France 2, Europe 1 et France Inter, Le Figaro et Le Parisien, le récit de Libération est d’une extraordinaire précision. Et comme TF1, le journal de Serge July fait état de « témoins de la scène ». Bien vu.

Last but not least, Jean-Michel Thénard, directeur adjoint de la rédaction, éditorialise courageusement sur la « Lâcheté » : « Un fait divers monstrueux par ce qu’il confirme de la gangrène qui se répand dans la société française. Des jeunes banlieusards qui molestent une femme et son bébé, en plein jour, et devant témoins, lui dessinent des croix gammées sur le ventre au prétexte qu’elle habiterait dans le XVIe, serait donc riche, serait donc juive. Antisémitisme, antisionisme, anticapitalisme mêlés comme aux pires heures de l’histoire, vingt-quatre heures après l’appel au “sursaut” de Jacques Chirac, voilà qui devrait finir de dessiller les yeux sur la réalité des manifestations antisémites dans la France d’aujourd’hui. […] Car ce qui rend plus accablante l’affaire, c’est qu’aucun témoin ne se soit manifesté après, à défaut d’être intervenu pendant. Si personne n’est tenu de jouer au héros devant une bande armée, rien n’excuse l’indifférence. L’indifférence qui ramène là encore aux heures sans gloire d’un pays qui a laissé sa police rafler des juifs et prétendait alors ne rien savoir de leur destinée. L’ignorance n’était qu’une lâcheté immense. […] »

***Commentaire PLPL*** Ces leçons d’histoire et de vertu vendues 1 euro 20 par un éditorialiste tranquillement assis dans son fauteuil n’ont même pas l’excuse de l’originalité. Jean-Michel Thénard les a plagiées sur Jean-Paul Huchon (lire plus haut). Et, pour la partie permettant de stigmatiser des anticapitalistes que Libération hait, l’inspiration a été fournie par Claude Goasguen, Noël Mamère et Alain-Gérard Slama.

Pour l’Humanité, la « dignité humaine » est « assassinée ».

L’Humanité hurle au loup avec les chiens (de garde). Le 12 juillet 2004, le quotidien robert-huïste titre à la « une »  : « Riposte à l’ignoble. Indignation après l’agression à caractère antisémite dont a été victime vendredi une jeune femme dans le RER. »

L’article de Laurent Mouloud se distingue par sa bêtise. Son titre : « La dignité humaine assassinée » [le mot « assassinée » est imprimé en énormes caractères]« […] Il n’y a pas eu de morts. Pas même de blessures graves. Et pourtant l’agression porte en elle une violence écœurante. Comme si l’on assassinait toute dignité humaine. Il était 9 heures du matin lorsque six jeunes gens sont montés à bord du RER D, en gare de Louvres, dans le Val-d’Oise. Selon les premières indications, ils avaient entre quinze et vingt ans. Dans le wagon, une jeune mère de vingt-trois ans est seule, avec son sac à dos et une poussette où se trouve son bébé de treize mois. La petite bande s’approche d’elle, la bouscule puis se met à fouiller dans son sac. Ils y trouvent sa carte bancaire, une somme de 200 euros et ses papiers d’identité. Un de ces documents indique une ancienne adresse, à Paris, dans le 16e arrondissement. À partir de là, tout s’accélère.

“Dans le 16e, il n’y a que des juifs !” aurait alors lancé l’un des individus. La jeune femme – qui n’est pas juive – se fait copieusement insulter et se retrouve rapidement plaquée au sol, face contre terre. À coups de couteaux, ses agresseurs commencent par lui couper les cheveux “pour garder un souvenir”. Puis ils lacèrent son tee-shirt et son pantalon, avant de sortir des feutres noirs et de tracer trois croix gammées sur le ventre de leur victime terrorisée. En gare de Garges-Sarcelles, la petite bande a pris la fuite, non sans avoir menacé une dernière fois la jeune femme de représailles si elle s’avisait de porter plainte. Au passage, ils ont renversé la poussette d’où est tombé le bébé.

Apparemment aucun des autres voyageurs n’aurait levé le petit doigt. Pas un pour s’interposer, pas un pour donner un coup de téléphone à la police depuis un portable, pas un, non plus, pour tirer le signal d’alarme ou alerter le chauffeur, ni même pour aller témoigner en compagnie de la victime ! Une apathie ahurissante. […]

En attendant, de nombreuses personnalités politiques et autres, après avoir condamné ces actes, ont appelé hier à une mobilisation civique et citoyenne. “Plus que jamais, tous ces actes racistes, antisémites appellent à la résistance, à l’action et à la mobilisation des forces démocratiques de notre pays”, a déclaré la secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet. Même réaction pour la Ligue des droits de l’homme. “Il ne suffit plus que les condamnations succèdent aux condamnations, estime son président, Michel Tubiana, mais il faut que se manifeste un refus unanime, de manière à ce que tous les habitants de ce pays disent leur condamnation de tels actes. Nous ne pouvons pas, et nous ne devons pas, laisser faire. C’est la société tout entière qui doit se rebeller contre ceux qui sèment la haine.” »

Laurent Mouloud

***Commentaire PLPL*** Laurent Mouloud a sans aucun doute assisté à la scène qu’il décrit, puis qu’il apporte une précision qui avait échappé à ses confrères : « la petite bande a pris la fuite, non sans avoir menacé une dernière fois la jeune femme de représailles si elle s’avisait de porter plainte ». L’Humanité a néanmoins raison sur un point : la société doit se rebeller contre ceux qui sèment la haine, au premier rang desquels les journalistes, menteurs et pyromanes. Pas un pour vérifier les faits, pas un pour se donner le temps de la réflexion, pas un, non plus, pour tirer le signal d’alarme de la désinformation ou alerter ses confrères de leur nullité, ni même pour aller témoigner que les médias mentent en permanence ! Une apathie ahurissante…

Le journalisme façon Le Monde

À tout menteur tout honneur, c’est une fois de plus au Monde que PLPL décerne la palme du faux scoop – et ce malgré la très bonne performance de ses concurrents.

Dans son édition datée du 13 juillet 2004 et parue le 12, le quotidien dirigé par Edwy Plenel annonce en « une » : « Indignation après l’agression antisémite dans le RER. Un vol qui tourne aux sévices contre une femme “juive”. Des transports en commun à risques en Ile-de-France ». Les textes sont nombreux, graves, et rédigés à l’indicatif.

L’éditorial du jour, titré « Civisme en berne », est moustachu. Il invite le lecteur à se souvenir que pour le directeur de la rédaction du Monde, Edwy Plenel, le journalisme consiste à recueillir des « petits faits vrais » :

« […] Le réel, vendredi matin 9 juillet, s’est brutalement manifesté dans un train de la banlieue parisienne sous la forme d’un fait divers qui serait ordinaire et lamentable comme tant d’autres s’il ne s’était pas coloré d’antisémitisme. Une jeune femme et son bébé ont été volés, puis agressés et insultés parce que tenus pour juifs. D’un coup, la réalité venait dissiper tous les beaux discours dans un terrible télescopage. […] On sait que l’antisémitisme est devenu un foyer dangereux dans certaines populations immigrées travaillées par des prédicateurs musulmans radicaux. […] Il s’agit d’une course contre la montre. Il faut souhaiter que les ministres de l’Intérieur et de la Justice manifestent autorité et fermeté en cette matière. »

Cet appel à la répression, cet empressement à faire étalage de sa vertu sur la base d’informations fausses, en partie ou en totalité, est chose courante depuis que la rédaction du Monde est dirigée par Edwy Plenel. Même le médiateur du quotidien s’en était ému deux semaines plus tôt :

Rappel : quand Robert Solé dénonçait les faux scoop du Monde

Chronique de Robert Solé, Le Monde, 27 juin 2004

« […] Il a beaucoup été question d’un autre couteau ce mois-ci à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Vendredi 4 juin dans l’après-midi, un adolescent juif, pensionnaire d’un institut talmudique, est frappé en pleine rue à l’arme blanche. Son agresseur, de type nord-africain selon des témoins, aurait crié « Allah Akbar » (« Dieu est grand ») avant de s’enfuir. Heureusement, le jeune homme est secouru à temps et échappe à la mort, mais l’affaire suscite une grande émotion.

Le Monde daté 6-7 juin, paraissant samedi à midi, titre en première page : « Cette agression antisémite qui bouleverse la France ». L’éditorial remarque : « Cela se passe en France. En Europe. Dans ce pays, sur ce continent où les juifs furent stigmatisés, persécutés, exterminés. Deux jours avant la célébration du soixantième anniversaire du Débarquement allié en Normandie, qui allait signifier le début de la fin de la barbarie nazie, un jeune juif français, portant la kippa, a été agressé en pleine rue par un homme qui lui a porté un coup de couteau à la poitrine en criant « Allah Akbar ». […] L’antisémitisme a franchi une nouvelle étape. On ne peut que rapprocher les deux événements […]  »

Après la sortie du journal, samedi à 21 h 22 exactement, une dépêche AFP signale que deux autres agressions à l’arme blanche ont été commises à Epinay vendredi soir. L’une des victimes est arabe, la seconde haïtienne. Pourquoi l’apprend-on si tard ? Mystère. Et la liste va s’allonger : dimanche matin, il est question de deux victimes supplémentaires, l’une d’origine guinéenne, l’autre portugaise. Au total, en quatre jours, neuf agressions ou tentatives d’agression de ce type seront signalées dans la commune. […] Publié le lundi au lieu du samedi, son éditorial aurait eu évidemment une autre tonalité. Ne fallait-il pas, en tout cas, s’exprimer avec plus de prudence, compte tenu d’affaires antérieures où les apparences avaient été trompeuses ? On ne connaît d’ailleurs pas, à l’heure qu’il est, les résultats de l’enquête. Mieux vaut rester prudent et mesurer ses mots. […] »

*** Commentaire PLPL*** Tout le week-end, le dictateur moustachu de la rédaction du Monde a rongé son frein. Si PLPL devait décrire son état en employant les méthodes d’enquête du Monde, nous affirmerions que « Plenel suait à grosses goûtes, poussait de petits gémissements stridents, giflait sa pauvre fille, et infligeait d’atroce souffrances à notre belle Terre en fumant d’énormes cigares à l’odeur repoussante  ». Pourquoi ? Car le Roi des faux scoops assistait impuissant à l’enflure démesurée d’un spécimen sublime ! Lundi 12 juillet au matin, il cravache sa rédaction comme on fait expirer aux vieilles rosses leur dernier souffle en les menant à l’abattoir. Un souffle de mensonge. Dans ce contexte, les avertissements du « médiateur » (un poste-garage créé par Plenel pour faire avaler aux abonnés de longue date la transformation de leur journal en un catalogue publicitaire serti d’informations douteuses), n’eurent aucun effet. Le cerveau embué par les exhortations de son duce moustachu, le chroniqueur Éric Fottorino, rédacteur en chef du Monde, allait signer un texte qui demeurera au Panthéon de la boursouflure :

La méthode Fottorino

Comment se démarquer lorsque tout les journalistes mentent en chœur ? En mentant encore plus fort. Dans l’édition du 13 juillet 2004 du Monde, Éric Fottorino se démarque. Sa chronique est titrée : « Méthode de nazis ». Lisons-là mot à mot :

« Pendant treize minutes, Marie a été juive. Treize minutes qui lui ont paru interminables. Juive dans le regard de six mauvais garçons d’origine maghrébine et africaine, des gamins de banlieue qui en voulaient pour commencer à son argent.

On est juif d’abord dans le regard de l’autre.  Donc Marie, 23 ans, et sa petite fille de 13 mois dans sa poussette par la même occasion, toutes deux ont été juives. Treize minutes.

Un étrange processus a ravagé la tête des agresseurs. Un papier d’identité dérobé portait une adresse dans le 16e arrondissement. Et le 16e, c’est bien connu, c’est le quartier rupin. Le quartier youpin aux yeux de six abrutis avec de la violence plein leurs couteaux.

Seizième = riche = juif. Honteuse équation. Jacques Chirac a eu raison de parler d’effroi, lui qui, la semaine passée au Chambon-sur-Lignon, avait appelé au sursaut d’une « France fraternelle ».

Les propos du président résonnent amèrement. N’avait-il pas dénoncé « les actes odieux et méprisables » salissant notre pays.

Le petite phrase d’Hugo vient à notre esprit ce matin : “Une minute peut blesser un siècle.” Alors, quels dégâts peuvent causer treize minutes dans une rame de banlieue, quand six jeunes s’en prennent impunément à une jeune femme et à son bébé sans que personne bouge le petit doigt ?

Marie, 23 ans, n’était pas juive avant de pénétrer dans une voiture du RER D, vendredi matin. Ensuite elle a eu ses vêtements lacérés, ses cheveux tailladés, une mèche coupée « pour garder un souvenir ». Et trois croix gammées sur le ventre.

Quand la haine fait son métier de haine sans être inquiétée, tranquillement, injures et lames sorties, quand la bêtise fait son métier de bête, il faut alors que les mots fassent leur métier de mots. Qu’ils fassent mouche comme des projectiles. Qu’ils ne fassent pas peur.

N’ayons donc pas peur des mots. Vendredi, dans le RER D, une jeune femme devenue juive pendant treize minutes sous le regard féroce de six agresseurs a été victime de méthodes de nazis.

Et face à ces petites frappes il ne s’est trouvé aucune voix, aucune main secourable. Si bien que l’indignation est partagée entre l’acte odieux et l’odieuse passivité de passagers qui, s’ils n’ont pas vu directement la scène, l’ont au moins entendue. Avoir le courage physique de rentrer dans le lard d’une bande armée est une chose. Donner l’alerte en est une autre. […] Pendant ce temps, on imagine la frayeur de Marie, les gestes qu’elle aura dû accomplir pour effacer de sa peau trois croix gammées. De sa peau, pas de sa mémoire. »

***Commentaire PLPL*** Un étrange processus a ravagé la tête d’Éric Fottorino : le syndrome du faux scoop. Il faut imaginer le journaliste écrivant ces mots, les relisant à haute voix, et frissonnant d’extase, hébété par sa propre audace. Un instant, Fottorino se rêve en Jean Moulin, luttant contre la bête immonde, mais sans prendre d’autre risque que celui d’être augmenté ou confondu avec Georges Suffert ou BHL. Alors Fottorino montre ses muscles virils, affiche sa volonté de « rentrer dans le lard » des « petites frappes » aux « méthode de nazis ». Et dire que deux jours plus tard, Le Monde n’aura pas de mots assez durs contre les « mythomanes » ! Il faut aussi s’imaginer la réaction des lecteurs de cette chronique ridicule, cadres supérieurs à haut revenus, émus de leur émotion et ravis d’avoir acquis pour 1 euro 20 un certificat de résistant.

Au New York Times, un tel déferlement d’âneries aurait entraîné l’éviction des auteurs et la démission des responsables éditoriaux. Ce fut le cas en 2003 lors de l’affaire des reportages bidonnés ou plagiés par le journaliste Jason Blair. Au Monde, la chefferie éditoriale donne l’exemple, mais en sens contraire : Éric Fottorino est membre de la « rédaction en chef centrale » ; Edwy Plenel, auteur de multiples faux scoops, est directeur de la rédaction ; et en 2003, Jean-Paul Besset avait été promu directeur adjoint de la rédaction après un reportage largement bidonné sur « l’affaire Alègre ».

Le Monde invite une « sociologue » à psychanalyser les jeunes de banlieue

La chronique de Fottorino et l’éditorial moustachu du Monde se devaient de recevoir la caution « scientifique » de quelque savant sans scrupule. Le Monde, 13 juillet 2004 publie ainsi un entretien avec Nacira Guénif-Souilamas, maître de conférences à l’université Paris-Nord : « Des opprimés se sont mués en oppresseurs de la pire espèce ».

- Comment caractérisez-vous ce que nous savons de l’agression dont a été victime cette jeune femme dans le RER ?

- Le fait qu’il s’agit d’un acte extrêmement violent et de caractère sexiste me semble dominer parmi les interprétations possibles. […] Une agression banale a dégénéré en guerre des sexes : on a transformé cette jeune mère en victime expiatoire, comme les femmes tondues de la Libération.

D’autres images me viennent en résonance, celles de la prison irakienne d’Abou Ghraïb et de ses prisonniers avilis par des femmes, auxquels des jeunes en déshérence peuvent s’identifier en tant qu’opprimés. Car tel est le paradoxe de cette agression : des opprimés se sont mués en oppresseurs de la pire espèce, ils ont choisi la victime la plus facile, une femme et son enfant.

- L’agression a dérapé à partir du soupçon de judéité porté sur la victime à partir de son adresse. L’antisémitisme peut-il être secondaire dans cette affaire ?

- L’antisémitisme vient renforcer le sexisme. Ces jeunes, non contents de correspondre au stéréotype de l’Arabe voleur et machiste, sont devenus les antisémites idéaux de notre société, comme si elle leur sous-traitait ses démons. Leur judéophobie – j’emploie ce mot puisque les Arabes sont aussi des Sémites – intériorise l’antisémitisme présent dans la société française, elle s’enracine dans l’exclusion sociale dont ils sont victimes sur fond d’histoire coloniale et d’actualité proche-orientale. Mais la vision qu’ils ont des juifs renvoie aussi à une histoire indépendante de la société française, celle du statut de « dhimmi », qui traduisait à la fois un rapport de protection et de domination qu’ont eu les juifs pendant des siècles dans le monde musulman.

Ces jeunes Français n’ignorent pas ce passé ; dans leur langue d’origine, les juifs sont considérés comme inférieurs. Ils ont hérité de cette vision méprisante des juifs qui est diffuse dans la culture de leurs parents, et trouvent en France les armes du vieil antisémitisme pour contester le fait que les juifs sont protégés à cause de leur martyre tandis qu’eux sont stigmatisés. Ils ne veulent pas la disparition d’un peuple, mais jouent le simulacre de son infériorisation. Contrairement à leurs parents qui, au Maghreb, ont vécu au côté des juifs, ils vivent dans une société où tout – la condition sociale, le Proche-Orient, le regard des autres – les sépare, et développent un ressentiment à l’égard des juifs, qu’ils tentent de justifier par la distance de classe.

- L’utilisation de l’emblème nazi, après le discours de Jacques Chirac au Chambon-sur-Lignon, n’évoque-t-il pas une tout autre histoire ?

- Ces jeunes sont à la fois surinformés et mal informés. Faut-il s’étonner que leur perception de la Seconde Guerre mondiale corresponde à la partie de l’histoire de France la plus sombre et la plus récemment mise en exergue qu’est l’antisémitisme ? Ils ont probablement entendu le discours de Jacques Chirac qui se réfère à une partie de leur propre histoire. Mais peut-être se sentent-ils dédouanés de savoir que des Français, dans le passé, se sont accommodés de l’antisémitisme.

- Le scénario du RER D témoigne-t-il de la fusion entre l’antisémitisme d’extrême droite avec ses croix gammées et celui qui s’exprime chez les jeunes issus de l’immigration ?

- […] Ils savent aussi parfaitement que dessiner des croix gammées va leur assigner le rôle de l’antisémite. En maniant ce type de violence, ils manifestent la haine qu’ils ont d’eux-mêmes et basculent dans l’autodestruction. Pour autant, les assimiler à des nazis ou prétendre qu’ils ne mesurent pas l’effet de ce qu’ils disent, serait un grave contre-sens.

- Quelle piste d’action préconisez-vous ?

- Il faut sortir des stéréotypes, [sic] […] Il faut créer des lieux pour aider les garçons à parler à leurs pères, à sortir de la rhétorique sexiste et de la haine de soi pour conquérir une autre image d’eux-mêmes.

Propos recueillis par Philippe Bernard

***Commentaire PLPL*** Ce n’est pas de la sociologie, c’est du roman. Sur la base de quelle enquête l’universitaire s’exprime-t-elle et se livre-t-elle à une psychanalyse sauvage des « agresseurs » ? Et qu’adviendra-t-il de cette brillante sociologue du Monde choisie par Edwy Plenel et Philippe Bernard une fois la supercherie dévoilée ? Si elle veut éviter toute récidive, on ne peut que conseiller à l’Université Paris Nord la plus extrême sévérité !

Jean-Pierre Pernaut relève le niveau

TF1-13 heures, lundi 12 juillet 2004. Jean-Pierre Pernaut ouvre son journal sur la météo.

« […] Avant de reparler des vacances, les suites de cette épouvantable histoire d’agression d’une jeune femme et de son bébé dans le RER. […] »

Daniel Bilalian réagit aussitôt

France 2 - 13 heures, lundi 12 juillet 2004.

Daniel Bilalian : « Madame, monsieur bonjour. Après l’agression antisémite dont a été victime une jeune femme vendredi dernier dans le RER, la police enquête pour recueillir des témoignages. La question qui se pose est simple, pourrait-on dire : comment se fait-il que personne ne soit intervenu, qu’aucun voyageur ne se soit manifesté après les faits. Il apparaît par ailleurs que le témoignage de la jeune femme reste flou. On peut le comprendre. »

[Reportage]

« Il sont là ce matin pour rassurer, mais aussi et surtout pour retrouver des témoins de l’agression [images de policiers]. Car pour l’instant, aucun voyageur ne s’est manifesté. Selon la jeune fille, pourtant, l’agression a duré 10 bonnes minutes, entre Louvres et Sarcelles, ponctuée d’arrêts en station. Il y a donc eu des allers et venues de voyageurs durant les faits. La victime a juste évoqué un couple qui l’aurait aidé après l’agression, comme elle l’a expliqué ce matin à Nicole Guedj : “Cette jeune femme tient aussi à remercier ce couple, le seul, qui soit descendu du RER avec elle, pour attendre que son conjoint ne la rejoigne. Et, heu… pour l’aider un petit peu et la soutenir, y compris moralement. Donc, voilà. À ce couple-là aussi nous demandons de témoigner bien sûr.” Pour le moment la police judiciaire de Versailles n’a que le récit de la jeune femme, incapable de fournir une description précise de ses agresseurs. Les enquêteurs attendent donc beaucoup de l’analyse des enregistrements des caméras positionnées sur les quais. Ils demandent aussi aux témoins de se manifester. La secrétaire d’État aux victimes promet que leur anonymat sera préservé et qu’aucune poursuite ne sera engagée contre eux. »

Daniel Bilalian : « Cette agression ignoble, révoltante, continue de provoquer toute une série de réactions politiques et d’associations diverses. Des manifestation sont prévues d’ailleurs ce soir, à Paris. Il faut savoir que le nombre d’agressions à caractère raciste et antisémite notamment, ont considérablement augmenté au cours du premier semestre de cette année. Alors cette ligne du RER D qui part de Paris vers la Seine-Saint-Denis et le Val-d’Oise, traverse des banlieues dites sensibles : Saint-Denis, Sarcelles, etc, etc. Les témoignages des voyageurs sont clairs : c’est une ligne à risques. Aurélia Guillemin, Zyden Bercous [orth]. »

[Reportage]

Daniel Bilalian : « Alors je vous le rappelle, si vous avez été témoin de près ou de loin de cette agression ignoble, vous pouvez appeler un numéro de téléphone, le 01 39 24 71 93, voilà le numéro de téléphone pour les appels à témoins. Ce matin le premier ministre, monsieur Jean-Pierre Raffarin a évoqué cette affaire pour s’interroger notamment sur l’attitude des témoins de l’agression. Le premier ministre : « L’antisémitisme est une honte. Nous voulons combattre cette forme de racisme insupportable. Mais il y a aussi un mal dans notre société, c’est l’indifférence face à la violence. Face à la lâcheté des agresseurs, l’intervention des spectateurs est une réponse. J’appelle au courage citoyen pour que nous puissions tous résister à cette circulation dans la société de la violence. Il faut que le courage soit plus rapide que la violence ».

Daniel Bilalian : « Et puis une relation de cause à effet, peut-être, en tout cas le décret de grâce signé traditionnellement à l’occasion 14 juillet par le président de la République exclut cette année tous les auteurs d’infractions racistes ou sexuelles. »

***Commentaire PLPL*** Le téléspectateur a « été témoin de près ou de loin » de cinq minutes et quatorze secondes de mensonge cathodique supplémentaire. À ce stade, il a entendu ou lu des dizaines de fois le récit du calvaire de la victime présumée. Et ce n’est pas fini…

France 2 théorise le journalisme : « la prudence apparaît toujours suspecte »

France 2-20 h, lundi 12 juillet 2004. David Pujadas : « Bonsoir à tous, merci de votre attention. Voici les titre de l’actualité de ce lundi. Et d’abord les interrogations des enquêteurs après l’agression dont affirme avoir été victime une jeune mère dans le RER. Aucun témoin n’a pu être retrouvé. Les images de la vidéo de sécurité n’ont rien donné. La jeune femme n’a pu donner aucun signalement précis de ses agresseurs. […] »

« Dominique Verdeilhan nous a rejoint. Bonsoir Dominique, on vous entendra dans un instant. D’abord il est encore trop tôt pour parler d’emballement. Mais depuis 48 heures, vous le savez, les réactions d’indignation sont très nombreuses. […] Alors Dominique, on devrait sans doute en savoir plus dans les heures qui viennent. Ce qui est sûr, c’est que l’indignation est allée plus vite que la justice.

Dominique Verdeilhan : Oui, on peut parler de deux sentiments quelque peu incompatibles. D’un côté, l’indignation, la colère, légitimes. De l’autre la prudence qui apparaît toujours suspecte. Les événements du RER D interviennent dans un contexte politique et judiciaire préoccupant. Les statistiques sont sans équivoques. Les actes antisémites et antimaghrébins sont en augmentation depuis le début de l’année. […] Et ce week-end, l’ensemble des partis politiques hormis le Front national, la majorité des syndicats, la presse dans son ensemble n’ont fait qu’une seule voix pour dire son écœurement, son sentiment d’horreur devant ce double constat, l’acte lui même et ce manque de civisme. Alors il y a deux temps, celui de l’émotion et celui de l’enquête. La police, la justice sont aujourd’hui dans une autre logique. Elles interrogent, recoupent, vérifient, comme elles l’ont fait dans le dossier de l’agresseur d’Épinay le mois dernier. La vérité judiciaire sera peut-être légèrement différente [sic !]. Il restera quand même un double procès : celui de la violence, et celui de l’indifférence. »

***Commentaire PLPL*** « La prudence qui apparaît toujours suspecte ». Ces propos de Dominique Verdeilhan, journaliste à France 2, fondent le credo de la presse qui ment. De l’aveu même de Verdeilhan, il y aurait d’un côté les partis politiques, les syndicats, « la presse dans son ensemble », dont le rôle serait de véhiculer l’émotion et de « dire son écœurement ». Et, « dans une autre logique », la police et la justice qui « interrogent, recoupent, vérifient » – le type même d’activité qui horrifie les gratte-papiers. « Le témoignage de la jeune femme reste flou », explique Bilalian, avant d’ajouter : « On peut le comprendre. »

TF1 étale sa prudence rétrospective

TF1-20 heures, 12 juillet 2004, Patrick Poivre d’Arvor.

PPDA : « Madame, monsieur bonsoir. Voici les titres de l’actualité de ce lundi. L’enquête se poursuit aujourd’hui pour tenter de retrouver les agresseurs d’une jeune femme il y a trois jours, dans le RER. Pour l’instant les éléments recueillis ne permettent pas de corroborer son témoignage. La secrétaire d’État Nicole Guedj qui a reçu la jeune femme lance un appel à témoins. L’indignation est unanime dans le monde politique […] ».

« Toujours de nombreuses interrogations ce soir après l’agression dont une jeune femme dit avoir été victime il y a trois jours dans le RER. […] »

[Reportage sur l’enquête puis sur les mobilisations politiques, ITW de Raffarin] : « […] chacun doit avoir conscience que ce qui est arrivé à cette jeune maman peut arriver à toutes les mamans, peut arriver à tous les enfants ».

Plus de 4’ sur le sujet.

***Commentaire PLPL*** « Toujours de nombreuses interrogations ». Toujours ? C’est la première fois que TF1 « s’interroge ». Sur France 2, on ne s’interroge pas encore, car « la prudence apparaît toujours suspecte ».

Charlie Hebdo : la couverture à laquelle vous n’avez pas échappé …

Paru mercredi 13 juillet 2004, Charlie Hebdo fait sa « une » avec un dessin (hideux) de Riss sur « Violence antisémite dans le RER » avec, naturellement, des Français cons qui lisent Métro (pas Charlie Hebdo) pendant que des Arabes tabassent une femme à terre… Elle figurera en kiosque pendant une semaine. Comme le rappelait la revue Médialibre (n° 31 avril-mai-juin 1994, p. 25), c’est le « dictateur cool » Philippe Val qui sélectionne les couvertures, quand il ne donne pas des leçons de journalisme à Noam Chomsky et à PLPL. En page 16, trois dessins sont également consacrés à la fausse agression. Il sont signés Jul, Willem, Charb.

France Soir a « honte », un sentiment inconnu de René Rémond

France-Soir 12 juillet 2004. Passée la « une » titrée « Ignoble et idiot », le lecteur découvre un entretien avec René Rémond, politologue fossile qu’idolâtrent des larves de Sciences Po. Rémond avance l’explication qui a forgé sa renommée internationale « d’idiot du village » : « Nous sommes passés d’une société de communautés étroites, où les gens se connaissent, à des ensembles impersonnels et anonymes. » Puis il explique : « Un certain nombre d’adolescents, en quête d’identité, se sentent plus proches, en quelque sorte, de leurs “frères kamikazes » de Palestine que de leurs concitoyens français ».

La double page 2-3 est intitulée : « En attendant le sursaut républicain, la France a honte ».

***Commentaire PLPL*** En attendant le sursaut sardon, la France continue d’avoir honte de ses journalistes. Ils ont menti deux jours durant, glapi contre les Maghrébins et les Africains, insulté les « jeunes de banlieue » et les « anticapitalistes », obligé PLPL a faire des heures supplémentaires (bénévoles), réclamé des punitions exemplaires. Les auteurs de ce délit sont identifiés : journalistes, patrons de presse et éditorialistes. Leur crime s’est déroulé devant des millions de témoins. Ces derniers resteront-ils impassibles ? Ou, à leur tour, réclameront-ils que les coupables soient châtiés avec la sévérité qui s’impose ?

LOI du 29 juillet 1881, Article 27 (modifié par Ordonnance 2000-916 2000-09-19 art. 3 JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002.)

« La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d'une amende de 45 000 euros. »
     


PLPL
, « LES AFFABULATEURS », juillet 2004 — dossier spécial