Maison Écrivez-nous !  

Société

Textes

Images

Musiques

  Blah-Blah

 
   

  

 

   

pointj.gif (73 octets) Kroniks
  

 

Fâché à mort.
Laurent James. Revue CANCER! 
[ Note de L'Homme Moderne : ce texte est un "point de vue" extérieur au site; il n'engage que son auteur. ]

« Quel pays merveilleux que l’Italie durant la période fasciste et immédiatement après ! On pouvait passionnément croire à la révolte ou à la révolution qui ne modifieraient pas beaucoup la merveilleuse forme de vie que nous menions. »
Pasolini, Écrits Corsaires.

'ai pour habitude de conchier tout pouvoir s’inscrivant dans le champ social, dans la mesure où il ne tire pas sa légitimité d’un ascendant esthétique. C’est pourquoi je suis un non-démocrate intraitable, le simple fait de tenir un bulletin de vote dans les mains relevant pour moi d’une des plus rebutantes inélégances qui soient. Et c’est également l’avis de la plupart des arabes logeant dans les quartiers nord de Marseille, où je me rends quotidiennement pour des raisons pécuniaires. Et puis, l’Idiot ne vote pas : ce mobile seul justifie le refus de se rendre dans un isoloir, afin de s’adonner à ce désir si horriblement prétentieux que de « donner son avis ». Tout ce qui peut se passer publiquement dans un pays démocrate ne m’intéresse pas. Et puisque nous vivons encore dans un système de communication qui nous oblige à nous déclarer antilepénistes avant même d’ouvrir la bouche, voici tout de suite mon devoir d’homme de bien : Le Pen est un ultra-libéral débile (puisqu’il associe des valeurs sociales à un programme économique à la Madelin, ce qui est strictement incompatible), Le Pen est un ultra-jacobin de plus, il ne comprend rien à la littérature et il semble être très méchant. Comment ? Ce n’est pas suffisant ? Bon, c’est un enculé. C’est bon, maintenant, je peux commencer ?

Ah, quel somptueux plaisir ai-je ressenti à l’annonce des résultats du premier tour des élections présidentielles françaises du 21 avril 2002 ! Mon dieu, quel ardent sourire décora alors mon visage plein d’une enivrante béatitude lorsque je découvris l’éviction de Jospin par Le Pen : la surprise si intense, le visage de tous ces Ennemis défaits par la terreur, les pleurs et la rage refoulée : la mèche retournée d’Arditi, les plis faciaux de haine tenace de Guy Bedos, le menton baveux de Sophie Duez, le désarroi vrombissant d’Élie Semoun, et tous les autres que je ne vois pas, tous ces détenteurs du pouvoir culturel, que tu définis à juste titre comme le véritable centre de souveraineté, et que j’imagine en totale déconfiture, la peur au ventre et la honte à la boutonnière ! Mais elles ont honte de quoi au juste, toutes ces petites bébêtes socialistes ? Moi, j’ai sincèrement honte de faire partie d’un pays où le dernier prétexte trouvé pour sécher les cours consiste à fouler le pavé au côté des « manifestants antifascistes ». Et alors ? Vais-je pleurer pour autant ? Des milliers d’étudiants défilent dans toute la France en exhibant leurs slogans d’encanaillés du dimanche, alors qu’à peine la moitié de ces bourgeois tarés se sont déplacés aux urnes. Non seulement ils ne votent pas, mais en plus ils se veulent démocrates ! Le beurre et tout l’argent, comme disait ma mémé frioule. « Du sang sur les slogans ! Vive la police ! », s’écrie Johann Cariou à propos des meutes antimondialistes. Et bien en voilà un d’antimondialiste, les filles : Jean-Marie Le Pen ! Un véritable combattant de la globalisation, un pourfendeur de ce fameux nivellement culturel, qui irrite tant vos susceptibilités de consommateurs intelligents ! J’ai aujourd’hui 32 ans, c’est-à-dire qu’il ne me manque plus qu’une année avant de connaître les joies de la résurrection. La souffrance inextinguible qui me meurtrit durant mon entière jeunesse, durement vécue sous le joug des années M6 et Canal +, de Séguéla et Jack Lang, resurgit aujourd’hui sous la forme voluptueuse d’une immense fontaine de foutre. Oui, je jouis d’abondance ; et ce n’est pas sous les caresses de Jean-Marie, mais bien devant la terrible déroute de ces colonisateurs de l’âme, que j’aimerais tant voir crever la gueule ouverte. Ma haine infinie envers ces pourceaux cosmiques ne s’épanchera dans l’exacerbation christique que lorsque je découvrirai l’échec radical de Chirac le 5 mai. Toutes ces bonnes âmes, infects moutons aveugles, pleurent déjà par avance à l’idée de voter pour le loup noir de leur jeunesse militante : ils veulent même enfiler des gants sur leurs doigts délicats, pour bien montrer que ça les dégoûte vraiment d’exprimer un avis qui n’est pas le leur ! Elles ont tout de même leur quant-à-soi, les petites salopes ! Ces monstruosités post-humaines, qui passent leur temps à déclarer à propos du premier tour : « Les français n’ont pas voulu ça » (ils sont sacrément bien renseignés, et surtout extrêmement respectueux des élections démocratiques au point d’en nier les résultats !) possèdent un modèle archétypal : Julia-du-Loft, l’artiste gauchiste des quartiers chic (Croix-Rousse, Montmartre ou la Plaine, c’est selon), arborant fièrement ses livres de l’antisémite Proudhon, hargneuse et extrêmement puante envers la seule arabe du coin, perclue d’amour dégueulasse envers le seul noir cool du coin, profondément asociale par métier, et certainement promue aux plus radieux avenirs de directrice de galerie branchée, passant sa vie à couper les couilles du moindre plasticien un tant soit peu talentueux passant à sa portée. Mon Dieu, quand je pense qu’il existe encore des jeunes hommes assez cons pour être de gauche… N’importe quel débile acéphale du F.N me semble beaucoup plus humain que ces déchets absolus de la vie organique, et je préfère sans sourciller poursuivre une discussion saine et franche avec un eugéniste aux idées claires, plutôt que de me salir les poignets dans les éclaboussures fétides d’une cervelle confusément humaniste.

Au risque de bousculer une vision fasciste et unitaire du front national, j’affirme qu’il existe (au moins) deux types d’électeurs lepénistes. Le premier est ouvrier, petit commerçant ou artisan ; il est souvent immigré de deuxième ou troisième génération : polonais, italien, portugais, espagnol ou maghrébin (évidemment) ; il fait partie de ces 30 % de la population active dont le pouvoir journalistique ne parle jamais ; il habite dans une banlieue, ou bien le quartier pourri d’une grande ville (la Duchère, Château Rouge ou la Savine, c’est selon). Il se fait chier et cracher dessus du soir au matin par des tribus de jeunes connards pourris de fric, qui l’insultent de « sale français » (moi, ça me ferait pas plaisir) tout en se faisant passer pour des victimes sociales dès qu’une caméra débarque dans leur quartier. S’ils te foutent leur poing dans la gueule dès que tu relèves les yeux, c’est parce que la mairie n’a pas réaménagé leur salle de boxe qu’un de leurs potes a détruite par désœuvrement ! Après une nuit passée à essayer de dormir, le travailleur se fait ensuite traiter de raciste par le pouvoir culturel en place dès qu’il s’enhardit à exposer, dans des termes certes fort peu raffinés, ses menus problèmes de voisinage. Ce n’est que suite à quelques incendies de synagogues que les intellectuels se sont décidés à le regarder autrement, après trois bonnes décennies de mépris royal. Le marxiste abellien Alain Soral s’est récemment vu octroyer quelques minutes chez Ardisson pour évoquer ce type de personnage, en précisant « qu’il devait nécessairement avoir le cœur bien ancré à gauche pour avoir su éviter jusqu’à présent le vote lepéniste ». Et bien voilà, les temps sont aujourd’hui venus où son cœur a basculé, d’un bord à l’autre de son large torse de prolétaire. Une « grande actrice du cinéma français » était assise à côté de Soral : Anouk Aimée. L’analyse du sociologue a tellement bousculé son univers de finesse et de dentelles mousselinées qu’elle a fui dans les coulisses pour boire courageusement un verre d’eau. Elle doit sûrement être aujourd’hui en première place d’une manif antifasciste !

Le second type de l’électeur frontiste est fils de chef d’entreprise. Il a le visage lisse, goûte modérément au sexe, et porte une écharpe bleu ciel. Il n’a jamais vu un seul arabe de sa vie, si ce n’est Djamel à la télé. Contrairement au premier, qui s’informe en regardant le JT de TF1, il est abonné à Canal +. Les Guignols le font hurler de rire, et même si les sketchs anti-Le Pen le font chier, il aime la dérision d’une façon générale : Baffie et Laurent Ruquier sont parmi ses favoris. Le militant qui danse gauchement de joie bouillante au QG du FN le soir des élections, c’est lui. Il est si naturellement de droite qu’il ne pense même pas à l’affirmer, si bien que les nouveaux partisans, ouvriers venus de chez Robert Hue, arrivent parfois à se persuader qu’ils sont bien chez des adeptes de leur cause. Mais ils se trompent : Le Pen est pour le licenciement sans préavis, contre les syndicats et l’impôt sur les grandes fortunes. Mais comment l’ouvrier pourrait-il le savoir ? Parmi les centaines d’interviews de Le Pen lues et vues en vingt ans, a-t-il seulement pris une seule fois connaissance de façon précise du programme du FN ? Tous les journalistes qui se sont succédé dans la noble tâche de soumettre le Borgne à la question se sont, et ce sans aucune exception, penché sur les myriades de petites phrases « malheureuses » de l’Indélicat, spectacularisant ainsi radicalement la question politique, et laissant dans l’ombre la plus totale le projet du parti nationaliste. Mais cela ne semblait gêner personne, et j’avais même entendu il y a une petite dizaine d’années un militant du SCALP affirmer qu’il n’avait pas besoin de connaître Le Pen pour le combattre ! Sacré valeureux petit guerrier, radieux d’incompétence sereine. C’est aujourd’hui seulement que les journalistes se résignent à parler sérieusement du programme frontiste, afin de bien montrer à tout le monde que « ce n’est pas un programme réaliste, mais populiste et démagogique ». Contrairement à tous les autres, je présume ? Pour ma part, je considère que le premier responsable du merdier dans lequel nous pataugeons est le Journaliste. Sélectionnant haineusement ses cibles, soudé par la chiasse à ses confrères en tous genres, au sommet du pouvoir réel (et je parle également du pigiste verbocruciste du Progrès de Lyon) et affectant de ne pas l’être, vivant dans une constante hypocrisie mauvaise et une perte de mémoire instantanée (songeons que dès les résultats du premier tour, Elise Lucet présenta les résultats d’un sondage exclusif quant aux intentions de vote du second, malgré le peu de foi que tout scientifique de niveau lycée technique accorde à ce procédé), et responsable directement du néant métaphysique qui corrode nos corps, le Journaliste doit être mis à mort. Et si Le Pen ne devait rester que quelques jours à la tête de ce pays après le 5 mai et une guerre civile, je prie ardemment chaque jour qu’il puisse au moins en profiter pour organiser quelques charniers salvateurs de reporters / critiques / chroniqueurs / envoyés spéciaux. Ah, les lunettes d’Arnaud Viviant dans la chaux vive !

Ni droite, ni gauche : Antifrançais !

Amicalement,

Laurent James
   

 
      
   

  
maison   société   textes   images   musiques