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  BDM

 Quand Le Monde se prend les
 pieds dans sa « contre-attaque ».

 
  bdm
1er mars 2003.
 
 

 

Dans son édition du 26 février, Le Monde dévoile sa tactique pour contrer les accusations de corruption intellectuelle qui culminent avec la sortie médiatisée de La Face cachée du Monde, de Pierre Péan et Philippe Cohen (Éditions Mille et une nuits). Edwy Plenel se fend d'une longue dissertation assez creuse (« Le Monde est-il un danger pour la démocratie ? ») accompagnée d'un article non signé (« Le journal est la cible d'attaques croisées des extrêmes dans des livres pamphlétaires et des libelles depuis les années 1950 »), avec un petit encadré sur PLPL (« Le précédent "Pour Lire Pas Lu" »), le tout en page 18, tandis que, dans son billet, Pierre Georges essaie de venir maladroitement au secours de ses maîtres (voir l'analyse de PLPL sur ce bidonnage-là).
Elle a l'avantage d'être simple et classique; on peut l'appeler la défense-Cukierman (du nom de ce président du C.R.I.J.F. qui voit des rouges-bruns partout). Elle se résume ainsi : nos critiques sont des ennemis de la démocratie et nécessairement des antisémites; fermez le ban.
Ceux qui critiquent Le Monde sont donc des extrémistes, nostalgiques de Vichy (Péan et sa supposée nostalgie mitterrandienne), d'affreux souverainistes (Cohen, conseiller de Chevènement), des rouges en passe de devenir bruns (PLPL, accusé d'antisémitisme, sans que le gros mot soit prononcé -voir leur réponse). Le schéma de défense est efficace et éprouvé, bien que pas mal galvaudé et très prévisible; Péan l'avait pressenti, dans une entrevue à Charlie Hebdo, publiée le même jour, il déclarait : « Il [Plenel] pourra toujours essayer de me faire passer pour un type d'extrême droite masqué en type de gauche, une sorte de rouge-brun… » Bien vu Pierrot !

Pour Le Monde, l'archétype du rouge-brun semble être Boris Souvarine, un des rédacteurs « en 1952, [d']une brochure intitulée Le Monde auxiliaire du communisme […] cet opuscule est financé par Georges Albertini, ancien collaborateur notoire. » (Le Monde, 26/02/2003, p.18). L'embêtant est que Le Monde n'a pas toujours été aussi regardant avec Souvarine et ses amis. Dans la même édition, un cahier spécial —un de ceux qui permettent de renchérir le prix du numéro—, « Staline, 50 ans après » mentionne Souvarine dans une chronologie « La "bolchévisation" du parti français » : « Juillet 1924. La direction du P.C.F. prononce l'exclusion de Boris Souvarine, rangé aux côtés de Trotski contre Staline. »
Dans Le Monde du 05/12/1997, une tribune, signée « J.-M. C. » (Jean-Marie Colombani, alias Ramina), intitulée « Le communisme et nous », clame : « Il ne faudrait d'ailleurs pas ajouter l'ingratitude à l'oubli en ne reconnaissant pas notre dette envers ceux — anciens communistes en rupture de ban, comme Boris Souvarine, communistes oppositionnels, comme les trotskistes, ou anarchistes et libertaires — qui, dans un isolement souvent tragique, ont accumulé les premières preuves des crimes commis en URSS. Quoi qu'on puisse penser par ailleurs des utopies révolutionnaires qui, pour certains, continuaient de les animer, il nous semble équitable de rappeler qu'ils payèrent parfois leur audace de leur vie. »
Dans cette tribune, le patron du Monde essayait de se faire pardonner son soutien publicitaire immodéré au Livre noir du communisme coordonné par Stéphane Courtois; il reprenait les arguments développés par Gilles Perrault et d'autres dans Le Monde diplomatique qui triaient le bon grain (les travaux de Nicolas Werth, par exemple) de l'ivraie (la comptabilité des « 100 millions de morts », des préface et postface de Courtois); il en profitait aussi pour répondre post-mortem à Souvarine en inventant une épopée anti-stalinienne du Monde.
Mais, le Bulletin d'Études et d'Informations Politiques Internationales où Souvarine publia son pamphlet de 1952, qui deviendra plus tard Est et Ouest, était lié à son Institut d'histoire Sociale, d'abord branche de celui d'Amsterdam, puis projet personnel, de plus en plus soutenu par des banquiers au passé douteux, des cercles patronaux, des syndicats « réformistes », l'argent de la C.I.A. (d'après sa fiche du Réseau Voltaire, que l'Institut récuse), mais surtout la crème des essayistes anti-communistes qui fait l'habituel délice du Monde, aroniens et furetiens. Aujourd'hui, Stéphane Courtois est vice-président de son bureau; le président est Jean-François Revel, « de l'Académie française », maître-à-penser de Jean-Marie « Tous américains » Colombani; le Conseil d'administration s'enorgueillit de la présence de André Bergeron (ancien secrétaire général de Force Ouvrière, grand consommateur lui-aussi de subventions américaines, ancien président de cet Institut) et de celle de Jean-Claude Casanova (post-barriste, directeur de Commentaires, éditorialiste associé au… Monde), le Conseil scientifique comprend Alain Besançon et Emmanuel Le Roy Ladurie, « de l'Institut », qui sont loin d'être des pestiférés au Monde malgré leur participation à ce douteux organisme !
C'est sans doute qu'ils ignorent tout de sa douloureuse histoire, de ses soutiens Georges Albertini et Roland Gauchet (milicien, futur lepéniste), voire de la pouponnière qu'il fut pour Gérard Longuet ou Madelin en rupture d'Occident (d'ailleurs Le Monde remue rarement ce passé agité de Madelin, dont le gourou libertarien Pascal Salin est accueilli à « colonnes ouvertes »).

Pour finir, comme Ramina-Colombani quand il ne préfère pas une vérité déformée, rendons tout de même justice à Boris Souvarine. Comme l'écrivait Jean-Luc Porquet, dans le Canard enchaîné du 17 juin 1998, « Souvarine, qui a parfois publié n'importe où (dans l'hebdomadaire antisémite Gringoire, par exemple !), a rarement écrit n'importe quoi. » Boris Konstantinovic Lifsic, jeune juif ukrainien, ouvrier joaillier, fut membre de la S.F.I.O. puis du P.C.F. après le Congrès de Tours, du Komintern aussi, jusqu'à son exclusion en 1924. Il fut ensuite l'homme d'un seul combat, une seule obsession, l'anti-stalinisme; son Staline, Aperçu historique du bolchévisme, publié chez Plon en 1935, est le premier grand livre à analyser le phénomène stalinien, il prédît le pacte germano-soviétique, prévint avant tout le monde des persécutions antisémites en Union Soviétique, fut au côté des dénonciateurs du goulag de David Rousset et Anton Ciliga à Soljenitsyne. Durant la guerre, il est à New York, comme Breton qu'il fréquenta (et Bataille, et tant d'autres) —les nazis en profitant pour piller ses archives des documents concernant Trotski; s'il côtoya le futur négationniste Rassinier au sein du Cercle Communiste démocratique, ce fut avant-guerre bien avant que celui-ci n'entame sa dérive. On trouve ses livres chez les meilleurs éditeurs, Ivrea surtout, Allia, Agone, voire La Différence, Spartacus autrefois.

 

D'autres liens :

- Le dossier de PLPL sur l'implosion du Monde : http://www.homme-moderne.org/plpl/l0303/index.html
- L'Institut d'Histoire Sociale : http://histoire-sociale.asso.fr/
- Et sa fiche au réseau Voltaire, http://www.reseauvoltaire.net/article992.html
- La biographie d'Alain Madelin sur http://www.alainmadelin.com/

 
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