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Pierre Carles
documentariste bredouillant — mais malin.

 
 

carles par charb
Carles censuré par Charlie Hebdo ?

  
 

À Philippe Val,
Rédacteur en chef de Charlie hebdo

 

Nîmes, le 16 février 2000

Cher Philippe,

Je me demandais si tu allais me faire signe pour m’expliquer ce qui avait motivé la suppression d’une partie de mes propos dans l’interview publiée dans Charlie hebdo du 3 février dernier… Mais ne voyant rien venir, au bout de trois semaines, je me décide à t’écrire. J’aimerais en effet que tu me dises pourquoi une phrase a disparu de l’entretien avec les membres du groupe Zebda, retranscrit par Olivier Cyran qui – à ma demande – me l’avait faxé avant publication. De même, pourquoi as-tu fait retirer mon nom du titre en page 10 du journal, ce qui aboutit du coup à un contresens ? 

Les lecteurs de Charlie hebdo ont dû être un peu surpris de lire dans leur journal : Zebda : « Y’a pas d’arrangement » avec la télé alors que les membres du groupe toulousain disaient à peu près le contraire dans l’entretien. Lorsque j’ai rencontré Joël, Magyd, Mouss et Tayeb, le 21 janvier dernier, pour discuter de leurs passages à la télévision et débattre avec eux de l’intérêt de se rendre ou pas dans des émissions de télévision (comme celle, par exemple, de Michel Field sur France 3), ils estimaient qu’il fallait parfois accepter de collaborer avec le petit écran pour avoir une chance de se faire entendre. Je défendais une position nettement moins conciliatrice. Je n’ai donc pas bien compris comment notre entretien initialement titré P. Carles / Zebda : « Y’a pas d’arrangement » avec la télé (ce qui résumait à la fois ma position et constituait un clin d’œil à Zebda en référence à leur chanson « Y’a pas d’arrangement ») s’était subitement retrouvé amputé de mon nom. Ce dernier absent, le titre de l’article se transformait en simple jeu de mots et dénaturait même le sens de l’interview. Etait-ce l’effet recherché ?

Cette disparition prend peut-être son sens quand on sait qu'une partie de mes propos – non-publiés - avait trait à Charlie hebdo et à l'évolution de sa ligne rédactionnelle de ces derniers mois (soutien de son rédacteur en chef à l'opération de l’OTAN lors de la guerre au Kosovo, appel à voter pour le candidat écolo-libéral Daniel Cohn-Bendit au moment des élections européennes).

Dans le passage qui suit, les premières phrases ont été publiées par Charlie : Un jour, il y avait Denis Robert chez Delarue. Denis Robert, c’est ce type qui a fait un bouquin pour expliquer pourquoi les affaires ne sortent pas. Ça m’a énervé que Robert vienne parler de corruption et ne dise rien sur Delarue, qui se fait plein de fric grâce à sa maison de production. Il le dédouanait. C’est la même chose avec Field, qui a lui aussi sa boîte privée. Ces types-là se servent de vous pour entretenir leur image. Ils font illusion. Mais, dans l'entretien, j'ajoutais : Tout comme Charlie Hebdo, toutes proportions gardées, fait illusion grâce à des gens comme Charb ou Siné. Et un des membres de Zebda me répliquait : Je ne vois pas ça comme ça. Je ne crois pas que Charlie ait besoin d’alibi. Ces dernières phrases ont disparu du texte de l’interview. 

Je me souviens d’un temps pas si éloigné où tu dénonçais la censure dont tu avais été victime à la télévision en raison de propos concernant la firme Vivendi. Je sais aussi, d'expérience, qu'on peut toujours invoquer des « raisons techniques » (pas assez de place, d’espace) pour dissimuler des choix qui sont d'ordre politique. Je serais très sincèrement désolé que tu t'inspires à ton tour de telles pratiques

Bien à toi, 

Pierre Carles 

    
 

  
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