Pierre Carles et Eric Martin - "Choron Dernière"
(Avant-première)

par Marion Oddon le 10 décembre 2008 à 10:16:10  Culturopoing.com


Scatologiquement outrancier ce Choron, tout comme l’émission qui a probablement inspirée ce titre à Pierre Carles et Martin. Eux, ont les connaît surtout pour leurs documentaires engagés, à tendance politique ou sociologique. Lui, est avant tout le reflet d’une histoire pas si lointaine… celle de De Gaulle qu’il a combattu, celle d’une France déjà en crise, engoncée dans une morale bourgeoise en décalage avec les réalités économiques d’alors.

Comment peut-on comprendre notre société actuelle et son évolution sans connaître Georges Bernier ? Cela semble saugrenu, car ce n’est pas tant l’homme qui est en jeux, ni même le personnage longtemps et toujours controversé à droite comme à gauche, mais bien les actes fondateurs qu’il a « commis », et qui ont été à la base de véritables ruptures (on ne saurait que conseiller à ce titre le livre de Marc-Edouard Nabe, « Nabe’s Dream », paru aux éditions du Rocher en 1992)…

Avec « Hara Kiri », Choron [Bernier] et Cavanna ont touché du doigt (ou de leur bite) les ulcères de tous les bons citoyens, alors proches de l’égérie Goettliebienne : Super Dupont. N’épargnant personne, scandant tout haut ce que d’autres n’osaient penser tout bas… Des libérateurs de la pensée du peuple… Sans belles paroles ni longues phrases discursives, mais avec un trait assuré et un langage premier degré… à la portée de tous… Une révolution… tout comme le fut cette célèbre phrase « Bal tragique à Colombey : 1 mort » [NDR : notre général].

Hara Kiri
Hier comme aujourd'hui : on est toujours dans la merde !

Fin du journal. « Charlie Hebdo » assure la relève. Charlie, le bébé des deux comparses Cavanna et Choron, alors indissociables. Un héritage qui semble s’être oublié dans les archives de la nouvelle rédaction. C’est justement cette amnésie collective qu’ont voulu travailler au corps les deux cinéastes, afin de rendre un dernier hommage volontairement subversif à celui qui fut sans doute victime de sa trop grande intégrité envers l’irrévérence.

À travers ce documentaire se dévoile une triste politique du dénigrement de la part des anciens camarades du père Choron - du moins de ceux qui ont gentiment rejoint le rang du politiquement correct instigué par le nouveau directeur Philippe Val. Partant d’une volonté de documentaire subjectif, ce film montre l’évolution objective du journal, et son appauvrissement contestataire. La vague de création politiquement incorrecte initiée par Choron et Cavanna ne pourrait plus exister aujourd’hui comme le fait remarquer Siné, et cette résignation d’un Cavanna fatigué face aux injonctions de l’économie actuelle laisse à réfléchir.

Outre la nostalgie de la belle époque, on redécouvrira le Choron un peu filou, mi grossier, mi dandy (avec une archive savoureuse du duo Choron-Gainsbourg), mais l’on comprendra surtout que toute cette agitation provocatrice avait pour but de fuir une médiocrité latente… Un déclencheur de talents, voilà ce que fut en réalité Georges Bernier.