Catalogue IFFR 2011 : descriptifs/commentaires des films

Nicole Brenez

LA DERNIERE ENIGME

1982

Scénario : F.J. Ossang. Photographie : F.J. Ossang. Musique : MKB Provisoire, Tuxedomoon, Cabaret Voltaire, Esplendor Geometrico. Montage : F.J. Ossang.

Interprétation : Robert Cordier, Gina Lola Benzina, Leslie Stiles.

Production : MKB Fraction Provisoire.

12 mn / 16 mm / noir et blanc

« Et quand le hasard fait que le peuple n’a plus confiance en personne, comme cela arrive parfois, ayant été trompé dans le passé par les choses ou par les hommes, on en vient nécessairement à la ruine. » Machiavel cité par FJO.

Premier carton : « Ce film a été tourné le 18 février 1982, avec deux boîtes de 16mm Kodak Double X. Il est librement inspiré du texte Del terrorismo dello stato (la Teoria e la pratica del terrorismo per la prima volta divulgate de Gianfranco Sanguinetti. » La Dernière énigme invente les échos visuels grâce auxquels les événements politiques, en l’occurrence la confiscation des aspirations révolutionnaires d’une génération par le terrorisme d’Etat, s’impriment dans l’imaginaire. Entre essai et fiction, F.J. établit d’emblée son aire formelle : une mythologie du présent. (Nicole Brenez)

ZONA INQUINATA, ou : LA VIE N’EST PLUS QU’UNE SALE HISTOIRE DE COW-BOYS

de F.J. Ossang – 1983

Scénario : F.J. Ossang. Photographie : Pascale Ferran, Serge Ellenstein. Musique : MKB Provisoire, Cabaret Voltaire, Tuxedomoon. Montage : F.J. Ossang.

Interprétation : Robert Cordier, Philippe Sfez, Leslie Stiles, Lionel Tua.

Production : MKB Fraction Provisoire.

21 mn / 16 mm / noir et blanc

« Le texan Benz est à la tête d’une organisation de tueurs à gages. Le capitaine Mort est son bras droit. C’est en poussant sa maîtresse  Stella dans le lit du boss que le capitaine Mort est parvenu à ce poste de chef des tueurs. La situation devenue pour lui intolérable, il décide de supprimer le cow-boy. » (F.J. Ossang)

En 1928, La Zone pour George Lacombe, ce sont les entours misérables de Paris où vivent les classes dangereuses ; en 1950 pour Jean Cocteau, le territoire administratif où Orphée doit aller rechercher Eurydice disparue ; en 1959, Interzone est le premier titre du Naked Lunch de Burroughs ; en 1983, la Zone toxique d’Ossang opère la synthèse et réunit tous ces territoires d’inquiétude sous le drapeau des couleurs mortes. (Nicole Brenez)

L’AFFAIRE DES DIVISIONS MORITURI, de F.J. Ossang

1984

Scénario : F.J. Ossang. Photographie : Maurice Ferlet. Musique : MKB Provisoire, Cabaret Voltaire, Tuxedomoon, Throbbing Grisle, Lucrate Milk, Esplendor Geometrico. Son : JM Baudouin. Montage : F.J.Ossang.

Mixage : Julien Cloquet.

Interprétation : Gina Lola Benzina, Lionel Tua, Frankie Tavezzano, Philippe Sfez, Elno.

Production : MKB Fraction Provisoire.

81 mn / 35 mm / noir et blanc et couleur

« Une histoire de gladiateurs sur fond d’Affaire Allemande. Des mecs vendent cher leur peau au lieu de se laisser mourir sur le territoire contrôlé par la middle class européenne. L’un d’eux est devenu une sorte de star du souterrain, mais il finit par se briser. Plus qu’une issue : cracher le morceau à la presse… » (FJO)

Emblème du cinéma punk français, L’Affaire des Divisions Morituri transpose en peplum futuriste la révolte populaire qui gronde dans la jeunesse européenne depuis la mort en prison des membres de la RAF – dont la plupart, d’ailleurs, étaient cinéastes. (NB)

LE TRESOR DES ILES CHIENNES, de F.J. Ossang

1990 (France/Portugal)

Scénario : F.J. Ossang.  Photographie : Darius Khondji. Musique : Messageros Killers Boys. Montage : Natalie Perrey. Décor : Jean-Vincent Puzos. Son : Jorge Cerveira. Mixage : Julien Cloquet.

Interprétation : Stéphane Ferrara, Michel Albertini, Mapi Galan, Diogo Doria, Serge Avedikian, Clovis Cornillac.

Production : Gemini Films / Les 3 Lumières Productions (Paulo Branco et Oskar Leventon)

109 m, / 35 mm / cinémascope noir et blanc / Dolby SR

« L’ingénieur Aldellio a découvert la synthèse artificielle de deux substances fondamentales (le Stelin et le Skalt) permettant la production d’une énergie (l’Oréon). Grâce à cette découverte, l’équilibre mondial a été reconditionné. Quand débute le film, l’ingénieur a disparu avec le secret de transformation du ‘Stelinskalt’. Le consortium producteur de l’Oréon, la Kryo’ Corp, est au bord de la faillite. Et le monde à la frontière du chaos… » (FJO)

La bande-son du Trésor des Îles Chiennes, qui aligne les morceaux d’anthologie ― « Pièces du Sommeil », « Descente sur la Cisteria », « Désastre Des Escortes », « Passe des Destitués », « Chant des Hyènes » ou le séminal « Soleil trahi » ―, accélère le voyage psychique de figures tournoyant dans leurs hallucinations d’intrigues. À l’imagerie consumériste contemporaine des Big Lebowski et autres Bad Trip, on oppose la magnificence plastique, l’énergie combattante et la sincérité expérimentale des îliens d’Ossang. Sur fond de cendres et de laves immémoriales, fuyant la Ténèbre au volant de jeeps subtilisées à des rêves d’enfance, les personnages propulsent vers le futur cet art de la drogue légué par des siècles de romantisme noir. C’est lui leur vrai trésor, thésaurisé par des poètes addictés par-dessus tout à leur discipline. Leur arsenal : non pas tant guns et kalashnikovs, que « le prince cutter » (comme F.J. le chantera plus tard dans « Claude Pélieu was here »), c’est-à-dire la puissance de découper et trancher autre part que sur les pointillés, l’instinct de s’arracher à tout ce qui pourrait les retenir de s’abandonner au vertige. (NB)

DOCTEUR CHANCE, de F.J.Ossang

1997 (France/Chili)

Scénario : F.J. Ossang. Photographie : Rémy Chevrin. Musique : Messagero Killer Boy. Montage : Thierry Rouden. Décor : Santiago Isidro Pin. Son : Julien Cloquet, Stéphane Brunclair.

Interprétation : Pedro Hestnes, Elvire, Joe Strummer, Marisa Paredes, Stéphane Ferrara, Lionel Tua, Fedor Atkine.

Production : La Compagnie des Films / Valcine-Santiago (Jacky Ouaknine et Carlo Bettin)
97 mn / 35 mm / couleur / Dolby SR

« Angstel attend Zelda devant un cinéma où l’on projette l’Aurore de Murnau – mais Zelda ne vient pas. Il voit alors sa dernière chance s’évanouir. Tout lui devient insupportable – ses amours ratées, son talent littéraire gâché, et la conviction d’être devenu étranger  à lui-même et au monde… C’est alors qu’il croise Ancetta, danseuse au ‘Wasted’. » (FJO)

Avant de pouvoir récupérer quelques bobines de pellicule couleur sur l’armée allemande et réaliser vingt minutes de pur génie chromatique pour Ivan le Terrible, Eisenstein avait rédigé des dizaines de pages sur la question de la couleur au cinéma. Sous ses atours d’histoire d’amants en cavale, Docteur Chance, premier film en couleurs d’un expert du noir & blanc, participe de la même excitation expérimentale : comment mettre le cinéma à niveau des initiatives chromatiques de la peinture, que celles-ci nous soient léguées par certains retables médiévaux, par les gravures de William Blake ou par les tableaux d’Asger Jorn ?

Dans ses Notes de travail (1996), F.J. Ossang le formule avec ses termes inimitables : « Ce film devrait avoir la pureté coupante et confusément colorée d’un poème de Georg Trakl – non au cinéma plus misérable que la misère, plus sexuel que le sexe, plus lourd que le plomb tant il se paraphrase. (…) Détail : un close-up n&b ne produit pas l’effet d’un close-up couleurs (pourquoi). Pourquoi le découpage des films actuels semble “ comatisé ” par de l’émanation. Profaner la coloration par les structures. Déterritorialiser. » (NB)

Silencio

de FJ Ossang

France/Portugal/2006/20’/nb/35mm (Prix Jean Vigo 2007)

Scénario : F.J. Ossang – Images : Denis Gaubert – Musique : Throbbing Gristle – Montage : F.J. Ossang – J.C. Sanchez – Production : OSS/100 Films & Documents – Chaya Films

Avec Elvire, Antonio Camara

Silencio, Vladivostok et Ciel éteint ! : trois bijoux en argent. La Trilogie du paysage marque les débuts d’une collaboration enchantée entre Ossang et son directeur de la photographie Gleb Teleshov, rencontré lors d’un atelier à Vladivostock.

« Le numérique est une circulation permanente d’électrons – tandis que l’argentique est une élévation hors du noir premier, comme l’icône – 24 images fixes par 24 images fixes… » Presque dix ans après le flamboyant Docteur Chance, F.J. « reprend la main », comme il le dit, avec Silencio ! , poème visuel qui s’inscrit dans la tradition des élégies documentaires de Rudy Burckhardt ou Charles Scheeler. Mais au temps de Throbbing Gristle, la poésie se mesure aux désastres industriels, aux apocalypses nucléaires invisibles : journal de voyage, méditation optique, nuancier bouleversant des teintes du noir et blanc, chant d’amour, promenade des fantômes légers dans les rayons affolants de l’espoir… strike. (NB)

Vladivostok

de  FJ Ossang/Fr-Russie/2008/5’/nb/35 mm

Images : Gleb Teleshov – Musique : Jack Belsen – Montage F.J. Ossang – Thierry Rouden – J.C. Sanchez – Production : OSS/100 Films & Documents / Vladivostok Film Commission

Exercice d’atelier, Vladivostok pourrait passer pour les fragments d’un film des années 20 perdu par un membre la FEKS. Splendeur plastique, bribes de fiction létale : un concentré de la poétique ossangienne. « Entre mots et mondes les énigmes grouillent », écrivit le poète psychédélique Claude Pélieu à propos d’Ossang. Vladivostok cultive la richesse de tels intervalles, par où ruisselle la poésie. (NB)

Ciel éteint !

de  FJ Ossang/Fr-Russie/2008/23’/nb et coul/35 mm

Scénario : F.J. Ossang – Images : Gleb Teleshov – Décor : Jean-Vincent Puzos – Musique : The Eighties Matchbox B-Line Disaster – Jack Belsen – Montage : F.J. Ossang – J.C. Sanchez – Production : OSS/100 Films & Documents / Vladivostok Film Commission / Lovestreams agnes b. productions

Avec : Elvire – Guy McKnight

Jusqu’à présent, les films de F.J. Ossang ne ressemblaient à rien d’autre qu’à lui-même. Ciel éteint ! soudain l’apparente au Philippe Garrel des années 70, celui de Marie pour Mémoire et du Révélateur, si proche de Jean-Pierre Lajournade, cinéaste libertaire radical. Quotidien mythologique des amants démunis, Philémon et Baucis encore jeunes, dans leur cabane (de chaume chez Ovide, de bois chez Ossang). On découvrira, après le générique de fin, la plus belle déclaration d’amour jamais exprimée visuellement. (NB)

Dharma Guns

a film by F.J. Ossang

(93′, 35 mm BW/color, 2010)

Number of reels : 5.

Ratio : 1.85 – 24 im/s – Dolby SR/SRD

Production :

a franco-portuguese coproduction

OSS/100 Films & Documents / LOVESTREAMS Agnes b productions (Paris)

Cinemate (Lisbonne)

a film written and directed by F.J. Ossang

music : Jack Belsen – Little Drake – MKB fraction provisoire – Lard – The Cramps – The Eighties Matchbox B-Line Disaster

director of cinematography : Gleb Teleshov

scenography / set designer : Yann Mercier – Severine Baerel

editing : F.J. Ossang – JC Sanchez

sound editing :  F.J. Ossang – Stéphane Brunclair

costume designer : Pierre-Yves Gayraud – Karine Charpentier

leading actors

Guy McKnight is Stan van der Decken

Elvire is Délie

Lionel Tua is Jon

Diogo Doria is Dr Ewers

Le cinéma est ce medium orphique qui permet de sortir les corps des ténèbres. Dharma Guns décrit ce voyage, les puissances de la lumière qui traverse l’argentique, invente la fable et les situations visuelles nécessaires à la description d’un tel processus.

La fable : un jeune homme, indistinctement poète, scénariste et guerrier, meurt. Comment restituer l’advenue des images dans son cerveau ? Quelles dernières images verrons-nous, au cours de notre agonie ? Des images d’amour ? D’angoisse ? Notre esprit s’occupera-t-il à régler des situations psychiques, à trouver les causes de sa mort, à frayer un chemin vers une autre vie ? Et dans quel état ces images ultimes nous arriveront-elles ? Des éblouissements ? Des lueurs ? Des envahissements ? De quel statut relèveront-elles ? Des souvenirs, des hypothèses, des présomptions ? La plastique magistrale de Dharma Guns permet de ressentir les mouvements des yeux, des nerfs optiques, des synapses et des circonvolutions comme si F.J. Ossang avait été capable de greffer le cinéma aux lieux mêmes de la naissance des images psychiques, sur le système nerveux central. “Mes yeux ont bu”, entend-on dans ce traité digne des espérances qu’Artaud plaçait dans le cinéma. Dharma Guns toujours en vol, en vogue, toujours vers l’Ile des Morts, chef d’œuvre qui sous nos yeux vient se placer lentement, dans le ralenti sidérant d’une évidence, aux côtés de Nosferatu et de Vampyr. (NB)

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